par Baudouin Bollaert, le mardi 03 février 2009

En annulant l'excommunication qui frappait depuis vingt ans quatre évêques intégristes – dont Mgr Richard Williamson, un prélat britannique qui nie l'existence des chambres à gaz – Benoît XVI a soulevé une vague d'incompréhension dans le monde catholique, en Israël et au-delà…


Les audiences à Rome du souverain pontife ont beau attirer de moins en moins de fidèles – 2,2 millions en 2008 contre 2,8 en 2007 – les décisions du Saint-Siège recueillent toujours un large écho. Le pape règne sur 1,130 milliards de catholiques disséminés de par le monde, autrement dit 17,4% de l'humanité. Ce n'est pas rien.

Benoît XVI est un pape traditionnaliste. Il aime la messe en latin, la musique sacrée, les riches vêtements sacerdotaux, l'encens et la communion donnée sur la langue… Autant de rites chers aux évêques intégristes qu'il a réhabilités. Mais, surtout, le pape a horreur du schisme. Son ambition est de réconcilier la famille catholique avec elle-même. L'Eglise a connu plusieurs ruptures au cours de sa longue histoire. Ceux qui se séparent ne rejettent pas la doctrine chrétienne, mais s'opposent à l'autorité du Saint-Siège en formant, en général, une Eglise dissidente ou indépendante.

Même s'ils ne représentent au total que 150.000 fidèles et 500 prêtres, on peut comprendre que Benoît XVI ait cherché à faire revenir dans le giron du Vatican les brebis égarés de la Fraternité Saint Pie X, héritière de Mgr Marcel Lefebvre, et les évêques excommuniés en 1988 par son prédécesseur Jean-Paul II. Après tout, l'indulgence et le pardon sont les piliers de la morale chrétienne…

Pourtant, on ne peut s'empêcher de penser que le Saint-Siège tend les verges pour se faire fouetter… Certes, Mgr Williamson s'est excusé auprès du pape et ses propos négationnistes ne reflètent pas les idées des trois autres évêques « réhabilités » par Rome. Mais cette affaire – qui ébranle le dogme de l'infaillibilité pontificale puisque Benoît XVI a démenti à sa façon Jean-Paul II – vient encore alourdir le dossier ultra sensible de la béatification de Pie XII accusé par ses adversaires de sympathies envers le IIIème Reich.

Ces accusations sont largement infondées. La plupart des historiens de la seconde guerre mondiale en conviennent. Pie XII a dénoncé le racisme des nazis en 1942, encouragé le complot de 1944 contre Hitler et a donné des ordres pour que les couvents et les évêchés cachent et sauvent des juifs. Ni Roosevelt, ni Churchill, ni De Gaulle, ni Staline n'en ont fait plus. A l'issue de longs débats, sa béatification a été agréée par la congrégation vaticane ad hoc. Mais Benoît XVI en repousse sans cesse l'annonce officielle pour ne pas hypothéquer son voyage, prévu au printemps, en Israël où les « silences » de Pie XII sur l'Holocauste suscitent toujours la polémique.

La prudence de Benoît XVI sur ce dossier est d'autant plus légitime que le pape est allemand de naissance… Mais on aurait aimé qu'il montre la même prudence avec les intégristes. La grande réconciliation avec les amis de Mgr Lefebvre, nécessaire ou pas, aurait sûrement mérité une meilleure information du Saint Père sur les agissements de Mgr Williamson. Et cela aurait évité à l'Eglise catholique bien des explications embarrassées…


Baudouin Bollaert est ancien rédacteur en chef au Figaro ; maître de conférences à Sciences po Paris et à l'Isad.

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