par Hélène Zwick, le lundi 02 février 2009

Contrainte d'adopter une approche verticale de l'immigration légale -il n'existe pas de consensus entre Etats membres sur l'immigration de personnes peu ou pas qualifiées-, l'Union européenne (UE) finalise sa première initiative spécifique portant sur l'immigration économique de ressortissants de
pays tiers (RPT) à des fins d'emplois hautement qualifiés.


La carte bleue ou la volonté d'émettre un signal fort au reste du monde


La carte bleue européenne est une autorisation permettant à son titulaire de résider et travailler légalement sur le territoire de l'UE et de se rendre dans un autre Etat membre (EM) pour y occuper un emploi hautement qualifié, conformément aux dispositions définies par la directive. Sa validité est
de trois ans, renouvelable une fois pour 2 ans. La procédure de consultation du Parlement européen a notamment souligné :
- une frilosité d'accepter des travailleurs (hautement) qualifiés, non diplômés : cinq années sont requises par les députés pour définir une personne hautement qualifiée sur la base de son expérience professionnelle ;

- un critère salarial excessivement restrictif -1,7 fois le salaire moyen du salaire requis- et qui ne comble pas les différences structurelles de rémunération entre EM ;

- une approche partielle du codéveloppement : les principes d'une migration circulaire et d'un recrutement éthique ont été jetés, mais quid des transferts de fonds notamment, canal de transmission important entre migrants et pays d'origine ? ;

- un caractère hybride durable : les Etats membres conservent leur capacité d'admettre ou non un candidat à la carte bleue, en fonction de la situation du marché du travail national.


Juxtaposition des systèmes nationaux et européen : le choix des migrants biaisé ?


En dehors de l'espace Schengen, le Royaume-Uni, l'Irlande et le Danemark exerceront leur droit d'opting-out. La compétition pour les talents interne à l'UE est farouche : le système de sélection britannique est le plus efficace. Aujourd'hui en réforme, il correspondra dès 2009 à un système par points sans quota décliné en cinq niveaux, dont le premier (Tier 1) traite des conditions d'entrée et de séjour des individus (hautement) qualifiés. Le Royaume-Uni a bouleversé sa politique d'attraction des talents en 2002. La carte bleue européenne ne lui apporterait pas grand-chose. Quant à l'Irlande et au
Danemark, ils continueront d'appliquer en priorité leurs propres systèmes : Irish Green Card pour l'un et Danish Green Card pour l'autre.

La plupart des autres EM disposent également de dispositifs spécifiques. Or la directive européenne ne permet pas d'offrir des conditions d'admission au marché du travail plus favorables au niveau national : la règlementation belge ne tient pas compte de l'expérience professionnelle et le critère salarial est plus souple ; l'Allemagne tente de freiner le processus, son seuil salarial est plus restrictif et le gouvernement refuse de prioriser l'initiative européenne -la formation des travailleurs en interne devant être prioritaire sur un recours à l'immigration de RPT-, etc. Une question de conformité des
systèmes nationaux au système européen se pose donc.


Le poids de l'auto-sélection : une capacité limitée de l'UE de modifier la structure par qualification de l'immigration


A long terme, les études économiques montrent qu'une sélectivité accrue dans la politique européenne d'immigration devrait modifier la structure par qualification des flux d'immigration, mais des forces contraires, en l'occurrence les liens coloniaux, la taille du marché, la distance et les
perspectives de rémunération continueront d'attirer une population non ou peu qualifiée qu'il faudra bien, à un moment donné, accepter et décider de gérer. La marge de manœuvre de l'UE reste par conséquent relativement faible.
Une politique d'immigration sélective ne peut se dissocier d'une politique d'intégration des migrants : les EM ne sont pas efficients dans la reconnaissance et la valorisation des connaissances et compétences de leurs immigrants déjà installés.

C'est paradoxalement sous la présidence tchèque, qui a dénoncé très tôt la prolongation des restrictions transitoires à l'égard des ressortissants des nouveaux EM, que l'initiative européenne devrait aboutir.

Paru dans Interface n°44 de janvier 2009


Hélène Zwick est doctorante à Confrontations Europe.

http://www.confrontations.org

Organisations en lien avec Fenêtre sur l'Europe :