par Xavier Grosclaude, le jeudi 03 avril 2008

Si le mot "santé" est le challenger du mot "sexe" sur Internet, force est de constater que cela n'aide en rien au développement de la e-santé en Europe. Le sujet, très en vue dans les années 2000, est entré malgré lui dans une semi clandestinité.


Il est vrai que la Santé relève toujours de la compétence des États membres et qu'aujourd'hui encore, le rôle de l'Union européenne reste marginal en la matière. Il se limite concrètement à la mise en œuvre d'actions destinées à compléter le travail des États membres, par exemple, dans le domaine des menaces sanitaires transfrontalières, de la mobilité des patients ou de la réduction des inégalités en matière de santé.

Néanmoins, ne nous y trompons pas, outre la jurisprudence volontariste de la Cour des Justice des Communautés Européennes développée depuis 1998 (arrêt Khol & Decker) en matière de mobilité des patients, les lignes commencent à bouger. La nouvelle stratégie adoptée en matière de santé par la Commission européenne "Ensemble pour la santé: une approche stratégique pour l'UE - 2008-2013" en témoigne.

Pour la première fois, les défis à relever sur le plan sanitaire, la place de la santé dans l'ensemble des politiques mises en œuvre au niveau de l'Union et les enjeux de santé ont été abordés d'une manière globale avec la volonté affichée de décliner des objectifs clairement identifiés en relation avec les états membres.

Peut-on dés lors, par ricochet, espérer une avancée significative en matière de e-santé ? Il est encore trop tôt pour le dire même si la Commission souhaite de toute évidence profiter de l'année 2008 pour relancer le sujet.

Toutefois, aussi volontariste soit-elle, l'ambition de la Commission, formalisée dans le document intitulé "Accelerating the Development of the eHealth Market in Europe", ne pourra à elle seule faire disparaître les tensions entre les acteurs en présence (industriels, professionnels de santé, associations de patients, pouvoirs publics...).

Aujourd'hui, si la définition, la finalité et le périmètre de la e-santé ont été stabilisés, cela semble insuffisant pour affirmer que le sujet est réellement arrivé à maturité.

En effet, si sur le plan technique, nul ne peut nier que des projets très prometteurs ont été finalisés avec succès dans plusieurs pays européens, un long chemin reste encore à parcourir sur le plan des pratiques avant une totale compréhension des véritables enjeux de la e-santé- à savoir l'amélioration de la qualité des soins et un meilleur accès aux soins pour l'ensemble des citoyens -par l'ensemble des parties prenantes.

En France, la e-santé est arrivée sans trop de difficulté et assez rapidement à s'embourber dans les chemins sinueux du conservatisme, du corporatisme et de l'attentisme…rien de plus normal puisque la e-santé sera demain le vecteur d'une nouvelle organisation des soins centrée sur une excellence partagée.

Pour les "sceptiques" de la e-santé, il est difficile, et cela peut se comprendre, de se projeter dans un monde dominé par les flux et par la qualité, à l'instar de la télémédecine, en lieu et place des stocks et de la quantité (numerus clausus, carte hospitalière…).

Néanmoins, dans un monde où la connaissance est désormais mondialisée et l'information médicale accessible à tous sur le net, aucun patient, même le moins éduqué et le plus reculé géographiquement, n'acceptera demain d'être la victime collatérale d'un système de santé fermé à la e-santé.

En réalité, tout porte à croire que l'introduction et la diffusion massive de la e-santé en Europe sera le fait d'opérateurs privés sur la base d'un cadre juridique sécurisé au niveau communautaire, notamment sur le sujet sensible de la protection des données personnelles, et efficacité oblige, d'une interopérabilité certifiée sur le plan technique.

L'évolution des sociétés industrialisées de plus en plus phobiques au risque, au point pour certaines personnes de s'assurer plusieurs fois pour la couverture d'un même risque, réserve un bel avenir à la e-santé. En douter serait assurément tourner le dos à l'innovation et à l'excellence….


Xavier Grosclaude


Xavier Grosclaude est diplômé en sciences politiques et en droit communautaire. Membre de plusieurs think tanks français, il combine une double expérience des affaires européennes en France et au Royaume-Uni.  


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