par Xavier Grosclaude, le mercredi 09 janvier 2008

Lorsque j'assiste à une réunion ou à un débat public sur l‘Europe je suis toujours surpris par l'impossibilité, a priori insurmontable, pour les intervenants de traiter clairement les sujets pour lesquels ils sont invités. Outre l‘usage d'expressions pertinentes en anglais mais décalées en français, l'auditoire est trop souvent contraint de composer avec une série d'acronymes et de vocables plus hermétiques les uns que les autres.


Cette réalité, souvent minorée par les intéressés au seul motif que le public est composé d'initiés, devient de plus en plus problématique car elle constitue désormais un véritable obstacle à la vulgarisation des sujets européens.

Dans ces conditions, on peut se demander s'il est toujours pertinent de s'interroger sur la méconnaissance par les citoyens européens des problématiques communautaires si rien n‘est fait ou très peu, en matière de communication publique, pour rendre le sujet intelligible par tous ?

Aujourd'hui, la diversité des supports et des formats autorise une grande créativité en matière de communication malheureusement chacun peut aisément le constater la communication de nos gouvernants butte toujours sur deux écueils récurrents.

Le premier est celui de la "projection" à savoir l'européanisation d'une réalité purement nationale. Ainsi, mettre en avant "l'Europe Protection" comme ligne directrice de la prochaine présidence française en juillet 2008 répond incontestablement à une attente de la population française mais est-ce un message réellement en phase avec les attentes de nos partenaires européens ?
Par ailleurs, à l‘heure de la globalisation, y a t-il encore une place dans le monde pour les messages purement défensifs ?

Ces questions peuvent paraître secondaires pourtant nous devons nous les poser car indépendamment de la pertinence des sujets retenus par la présidence française, le risque d'une double incompréhension entre la France et le reste de ses partenaires européens mais plus encore entre l'Europe et le reste du monde ne doit pas être sous-estimé.

La vocation de la France en Europe, faut-il le rappeler, est très certainement de cogérer avec ses partenaires les dossiers sensibles du moment mais c'est surtout et avant tout de promouvoir, sur le plan politique, une vision audacieuse de la construction européenne. S'en tenir à des approches techniques relayées par une communication purement institutionnelle est peut être le plus sûr moyen de cultiver les incompréhensions et d'assécher lentement mais sûrement l'idéal européen.

Le second écueil à éviter est celui de "l'abstraction". Parler d' "Europe durable", d'"Europe citoyenne"…c'est très bien mais cela ne dit rien aux communs des mortels. Aussi, en utilisant des expressions aux contours flous et aux contenus mous, nous participons tous, sans réellement nous en rendre compte, à l'imperméabilité de la "la bulle communicationnelle" dans laquelle l'Europe est enfermée depuis maintenant plusieurs années.

Si on ajoute à ces deux biais de communication, l'absence de visibilité sur les actions internes et externes de l'Union, toutes les conditions ou presque sont réunies pour assister à une dérive progressive des opinions publiques vers le "moins-disant politique". Or l'Union Européenne, ne l'oublions jamais, est née de l'excellence d'hommes et de femmes qui au-delà de leurs nationalités, langues ou croyances, ont tous œuvré pour tirer notre continent vers le haut.

La vocation de l'Europe est de montrer au monde entier qu'il est possible pour des pays historiquement belligérants de se construire un destin commun au-delà de leurs géographies respectives.

Aussi, pour ces raisons et bien d'autres encore, serait-il opportun, avant les prochaines élections européennes, d'ouvrir avec toutes les parties prenantes une réflexion approfondie sur les sujets qui demain seront stratégiques pour le développement de l'Union, de hiérarchiser les objectifs à atteindre pour chacun des sujets identifiés et de définir les éléments de pilotage nécessaires à leur réalisation.

L'existence d'une nouvelle "feuille de route" pour l'Union donnerait de la visibilité à l‘ensemble des acteurs et faciliterait la mobilisation des opinions publiques.

Néanmoins, quels que soient les objectifs définis, il me semble illusoire d'espérer dans le futur une quelconque adhésion des citoyens sans revisiter de fond en comble les plans de communication destinés à accompagner la déclinaison opérationnelle des dits objectifs.

L'Europe des slogans, chacun en est témoin, ne fonctionne plus ou, plus précisément, la méconnaissance par les citoyens des enjeux qu'ils recouvrent neutralise d'entrée leur impact. C‘est la raison pour laquelle, si clarification il doit y avoir, il serait plus que souhaitable d'intégrer la dimension communicationnelle en amont de la phase de réflexion et non en aval…





Xavier Grosclaude est diplômé en sciences politiques et en droit communautaire. Membre de plusieurs think tanks français, il combine une double expérience des affaires européennes en France et au Royaume-Uni.  

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