par Baudoin Bollaert, le mardi 15 janvier 2008

148 jours sans gouvernement, presque cinq mois de crise politique : la Belgique, décidément, donne le mauvais exemple… De querelles linguistiques en conflits communautaires, d'affrontements dignes de Clochemerle en contestations plus radicales, le petit Royaume d'Outre Quiévrain n'en finit pas de se déchirer.


Si la Belgique est toujours unie, dit-on, elle le doit à la monarchie et à l'Union européenne… Mais jusqu'à quand ?

Longtemps, on a pu croire – j'ai pu croire – que le pays du roi Albert et de la reine Paola était un laboratoire en miniature de l'Europe en train de se construire. Voyez plutôt : une région wallonne au sud où l'on parle le français, une région flamande au nord où l'on parle le néerlandais, une petite région frontalière à l'est où l'on parle l'allemand et une capitale, Bruxelles, située en terre flamande, peuplée de 90% de francophones, siège des principales institutions du Royaume.

Un cadre fédéral complexe a donné vie à cette diversité. La solidarité financière a joué entre les régions. Avec de graves tensions, certes, mais en évitant toujours le pire. Aujourd'hui, ce sont ce cadre et cette solidarité qui sont remises en cause par la partie flamande, sachant que personne dans ce dossier – surtout pas les socialistes wallons – n'est à l'abri des critiques.

Quelle mauvaise image pour l'Europe ! Si les 10 millions de Belges ne sont plus capables de s'entendre entre eux, comment espérer que les 500 millions d'habitants des vingt-sept pays formant l'Union européenne puissent cohabiter durablement et pousser les feux d'une véritable intégration politique, sociale et économique ?

On dira que chaque Etat membre a ses problèmes et qu'il doit les résoudre en toute souveraineté. La République tchèque et la Slovaquie ont divorcé par consentement mutuel ; l'Irlande et la Grande-Bretagne ont longtemps été à couteaux tirés à cause de l'Ulster ; l'Espagne n'en a pas fini avec les revendications d'autonomie de plus en plus affirmée de certaines de ses provinces… Mais une implosion de la Belgique presque dix ans après la réunification allemande, voilà qui aurait des allures de séisme politique !

"Entre l'Europe et les régions, il n'y a plus de place pour les Etats nations", proclamait il y a quelques années un leader séparatiste italien. La suite des événements lui a donné tort et prouvé exactement le contraire… Qu'ils portent les habits d'un Royaume ou d'une République, les Etats nations ont la vie dure. Le double "non" de la France et des Pays-Bas, en 2005, au projet de traité constitutionnel est là pour le rappeler.

Si la Belgique n'est plus un modèle pour l'Europe, l'Europe peut-elle au moins sauver la Belgique ? Le Premier ministre du Luxembourg, Jean-Claude Juncker, se refuse à céder au catastrophisme. "Lorsque vous êtes depuis votre naissance un voisin immédiat de la Belgique, vous êtes moins inquiets que ceux qui en sont plus éloignés… ", m'a-t-il confié récemment.


Il n'empêche : au petit jeu des pronostics, on peut imaginer qu'un divorce définitif entre Flamands et Wallons auraient de lourdes conséquences pour le statut de Bruxelles "capitale européenne". Qui dit que les institutions-clé de l'Union – la Commission, le Conseil et le Parlement – ne déménageraient pas alors à Strasbourg, La Haye, Luxembourg ou Francfort ?


Les séparatistes n'en ont cure. Mais peut-être pas les autres…

publié le 15/11/2007


Baudoin Bollaert est journaliste, enseignant à Sciences Po Paris et à l'Isad. Il est l'auteur  de "L'Europe n'est pas ce que vous croyez" avec Jacques Barrot (Albin Michel) et d' "Angela Merkel", une biographie de la chancelière parue aux éditions du Rocher. Il vient de publier aussi un roman policier, " Charade indienne", chez le même éditeur.

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