Cette année, le Conseil de l'Europe célèbre son 60ème anniversaire. Composé aujourd'hui de 47 pays européens, le Conseil de l'Europe est surtout connu du grand public en raison de l'un de ses principaux traités : la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, plus connue sous le nom de Convention européenne des Droits de l'Homme (CEDH).
Mais la CEDH ne doit pas faire passer sous silence d'autres traités importants du Conseil de l'Europe comme la Charte sociale européenne (et la Charte sociale européenne révisée), la Convention culturelle européenne, la Convention contre le dopage, la Charte européenne de l'autonomie locale ou la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (que la France n'a toujours pas ratifié
). Rappelons que c'est à l'initiative du Mouvement Européen que le Conseil de l'Europe a été fondé et que la CEDH a été rédigée.
Au niveau de la Communauté européenne (qui est dotée de la personnalité juridique contrairement à l'Union Européenne qui ne pourra être dotée de la personnalité juridique qu'avec l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne soit à la fin du processus de ratification de ce traité), la Communauté européenne a pu adhérer à différents traités du Conseil de l'Europe comme la Convention relative à l'élaboration d'une pharmacopée européenne ou la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe mais elle ne peut par contre pas adhérer actuellement à la CEDH. Cette non possibilité d'adhésion à la CEDH avait été l'une des raisons qui avaient poussé l'UE à la rédaction de la Charte européenne des Droits fondamentaux.
Le Traité de Lisbonne dans son article 6-2 (complété par un Protocole annexé au Traité) permettra enfin à l'UE d'adhérer à la CEDH lorsque le traité sera totalement ratifié et entrera en vigueur. Enfin ? Oui car cette adhésion était rendue possible grâce au Traité Constitutionnel mais son rejet en 2005 par la France et les Pays-Bas aura reporté l'adhésion de l'UE à la CEDH. Un « non » pour une Europe citoyenne et sociale nous affirmaient certains en 2004
sur cette question entre autre chacun appréciera
Cette future adhésion peut nous faire poser la question suivante : est-elle uniquement possible par rapport à la CEDH dans sa rédaction initiale ou l'UE peut-elle aussi adhérer aux différents Protocoles de la CEDH notamment le Protocole 12 sur l'interdiction générale de la discrimination (dont la France n'est pas signataire) ainsi que le Protocole 13 relatif à l'abolition de la peine de mort en toute circonstance ? Personnellement, je considère que l'UE pouvant adhérer à la CEDH, cette adhésion est de fait étendu à la faculté de l'UE d'adhérer à l'ensemble des Protocoles de la CEDH qui ne font que développer et étendre les droits initialement reconnus. Il serait paradoxal que d'une part l'UE agisse en faveur de l'abolition universelle de la peine de mort, cette question étant l'un des critères pour que des pays européens puissent adhérer à l'UE, et que d'autre part, l'UE ne puisse pas être partie du Protocole 13 !
Mais tout serait si simple s'il n'y avait pas un souci majeur.
En effet à la lecture de la CEDH et de ses Protocoles, c'est le Protocole 14 signé à Strasbourg le 13 mai 2004 qui dans son article 17 permet l'adhésion de l'UE à la CEDH en amendant l'article 59 de la Convention. Par ailleurs le Protocole 14 rend le fonctionnement de la Cour Européenne des Droits de l'Homme plus satisfaisant. Pour que le Protocole 14 entre en vigueur, il faut les ratifications des 47 pays membres du Conseil de l'Europe. Or, si 46 l'ont ratifié, un seul ne l'a pas fait : la Russie dont le parlement avait repoussé la ratification il y a plusieurs mois.
Vue l'importance du Protocole 14 pour le fonctionnement de la Cour et afin de pallier à la difficulté de sa ratification, le Conseil de l'Europe a rédigé un Protocole 14 bis signé le 27 mai dernier à Strasbourg qui, étant ratifié par le nombre requis de pays membres du Conseil de l'Europe entrera en vigueur le 1er octobre prochain. Mais malheureusement, le Protocole 14 bis ne reprend pas la disposition relative à l'adhésion de l'UE à la CEDH !
Nous sommes donc dans un imbroglio juridique, l'UE étant de fait « l'otage » de la Russie et de sa bonne volonté.
Afin de pouvoir régler cette question, nous avons 2 possibilités :
La première serait que le Conseil de l'Europe rédige un « Protocole 14 ter » dont l'article unique porterait sur l'adhésion de l'UE à la CEDH. Mais cela prendrait du temps et ce serait un second Protocole provisoire du Protocole 14. Pour que ce « Protocole 14 ter » entre en vigueur, quel serait aussi le nombre de ratifications nécessaires ? Ce serait enfin créer, après le Protocole 14bis, une « jurisprudence » dangereuse pour les traités du Conseil de l'Europe avec des textes provisoires qui risqueraient de s'accumuler.
La seconde est naturellement que la Russie ratifie le Protocole 14 dans les meilleurs délais. Mais pour ce faire, nous devons agir.
AGIR, pour que l'UE fasse pression sur la Russie en faisant de cette question un dossier prioritaire de l'UE tant de la Présidence de l'UE que de la future Commission européenne et naturellement du Parlement européen récemment élu.
AGIR au niveau des Gouvernements et des Parlement nationaux des 27 Etats membres de l'UE dans leurs relations avec la Russie afin qu'ils appuient les démarches de l'UE.
AGIR au niveau des autres pays membres du Conseil de l'Europe en particulier ceux qui sont candidats à l'adhésion à l'UE.
AGIR enfin au niveau du Mouvement Européen qui doit être à l'initiative d'une Pétition européenne en partenariat avec les différents partis politiques européens ainsi que la société civile (FIDH, partenaires sociaux européens
).
Laurent BONSANG est Président du Mouvement Européen 77