Soleil, plage, feux de forêts, pipolisation, activité politique et sociale ralentie : l'été européen a quelque chose de routinier. Certes les migrations vacancières, crise oblige, se sont rétrécies, pas encore troublées par les menaces - exagérées ? - de nouvelles pandémies. Hors Europe, l'été est plus agité : la bataille pour l'assurance maladie bat son plein aux USA où les lobbies agitent la menace d'une soviétisation là où Obama essaie d'introduire un modèle plutôt "suisse", d'Israël à l'Afghanistan, en passant par l'Irak et l'Iran, le Moyen-Orient reste explosif ; quant à la Chine, elle continue sans complexe et sa croissance et ses politiques coloniales (pauvres Ouïghours et pauvres Tibétains..), tandis que la nouvelle Calédonie, après la Guadeloupe, révèle la fragilité des processus de dialogue et de décolonisation à la française.
Cette période, faussement calme, est aussi pleine d'incertitudes. Les restructurations, et parfois la désespérance conjuguées à un management profondément asocial, n'ont pas cessé avec une demande de réparation et d'indemnisation financières exponentielle. Sacré coup de semonce pour les promoteurs d'une sécurisation des parcours professionnels : nombreux sont les ouvriers et sans doute au-delà à ne pas vouloir lâcher la proie pour l'ombre. Les craintes liées à une insuffisance des plans de relance pointent à nouveau comme celle liées à des bombes à retardement - LBO et autres actifs toxiques (lire ici)- qui pourraient surgir des marchés financiers. Malgré tout, certains annoncent la reprise pour bientôt en se fiant à des signes auxquels ils ont décidé de croire : rebondissements des marchés, baisse des inscriptions au chômage, reprise des investissements. Le gros de l'orage serait derrière nous et la « machine » serait prête à repartir. Comme avant ?
A Paris, Londres, New York ou Francfort, la polémique sur les bonus des traders est symptomatique de l'état actuel des choses : d'un côté des établissements pour qui la crise n'aura modifié leurs pratiques qu'à la marge - Thomas Philippon (lire son interview dans Le Monde et l'étude complète) en parle d'ailleurs très bien - et de l'autre des gouvernements qui s'efforcent de montrer à l'opinion qu'ils agissent pour moraliser le capitalisme. On parle d'indécence, mais c'est la corruption, sans doute beaucoup plus profondément diverse et ancrée dans le système, qu'il faudrait nommer. Jusqu'à quel point est-elle présente chez nous ? Jusqu'où nous empêche-t-elle de renouveler, de refonder nos approches ? Voilà une question que l'on devrait, y compris parmi les partenaires sociaux, devoir oser affronter bien plus que nous ne l'avons fait par le passé.
De nouvelles régulations ont certes émergé ça et là, notamment en matière bancaire, mais il semble bien que les tenants d'une crise essentiellement financière l'ont emporté - pour l'instant- sur ceux qui pronostiquaient une crise de système. Il va falloir observer de très près les futures actions et décisions qui importent en la matière :
- celles du futur G20 de septembre à Pittsburgh où les grands de ce monde feront le point sur le crise, les nouvelles régulations et les finances
- celles du sommet mondial de Copenhague sur l'environnement et le développement durable où la question centrale sera celle des engagements pris par les Etats-Unis, la Chine ou l'Inde
- celles de la nouvelle Commission Européenne qui sera désignée suite aux récentes élections et dont le programme d'action reste une grande inconnue. Sans parler des présidences de l'UE : l'actuelle, suédoise, très verte mais peu sociale et la future espagnole dont on attend avec intérêt les sujets dont elle va s'emparer.
Les choses se jouent aussi beaucoup au niveau national. La taxe carbone que plusieurs gouvernements comme celui de Nicolas Sarkozy envisagent d'introduire sera-t-elle à même de provoquer des modifications profondes et durables de nos habitudes tout en étant socialement équitable ? Les politiques de relance pourront-elles concilier protection sociale et investissements d'avenir ? Le débat américain sur l'avenir de l'automobile versus les activités liée à l'intelligence ou la connaissance a le mérite de la franchise, un tel débat serait bienvenu sur le Vieux continent. En tout état de cause, les prochains mois seront cruciaux. Créativité, courage et habileté ne seront pas de trop pour faire prévaloir à tous niveaux sagesse et long terme sur populisme et rafistolages.
Editorial de la lettre de Metis 24 août 2009
Claude-Emmanuel Triomphe est directeur de publication et de la rédaction de Metis
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