Les Pays-Bas limitent l'accès à des coffee shops à la frontière belge. Ceux-ci verront leur accès limités à des membres munis de cartes spécifiques. Une mesure qui entrera en vigueur le 1er janvier 2010.
Les Pays-Bas disent halte ! Il va désormais falloir montrer pattes blanches pour entrer dans certaines régions du pays. Face aux nuisances générées par le tourisme de la drogue, les Pays-Bas revoient leur politique de tolérance : les acheteurs de cannabis vont devoir présenter une carte d'accès pour s'approvisionner dans des coffee shops à la frontière belge.
Le maire chrétien-démocrate de Maastricht, Gerd Leers, mène une croisade contre le trafic de drogues dans cette région d'Europe.
Pour se limiter au cas de Maastricht et de sa région, environ un million et demi de narco-touristes viennent chaque année dans la ville soit presque quatre mille par jour. Et ces touristes ne viennent pas pour acheter les cinq grammes autorisés par la loi. Cela concerne des achats beaucoup plus importants. Résultat : une délinquance en hausse qui se traduit par des dégradations, un intense trafic routier, du trafic de drogue et d'autres faits criminels.
Contraindre l'accès aux coffee shops
A l'avenir, le maire veut transformer les coffee shops, des établissements ouverts, accessibles à tous, en établissements fermés dont il faudra devenir membre. L'objectif de la mesure, qui sera mise en place dès le 1er janvier 2010 dans la trentaine de coffee shops de la province du Limbourg (sud-est), est de décourager les touristes de la drogue.
Ce projet pilote, soutenu par le gouvernement, prévoit que pour acheter du cannabis, il faudra être titulaire d'une carte d'accès individuelle, délivrée par les coffee shops. Cette carte, sur base d'une donnée biométrique, permettra d'identifier les clients qui ne pourront plus acheter que 3 grammes de cannabis maximum par jour, contre 5 grammes actuellement. Et l'achat de cannabis ne sera possible que par carte ou virement bancaires.
Aujourd'hui, les petits approvisionnements des coffee shops, à l'origine conçus pour répondre aux besoins locaux, sont devenus un grand business dont beaucoup veulent profiter, notamment des revendeurs illégaux dépendant souvent d'organisations criminelles. Les sept cent deux coffee shops néerlandais disposent d'une licence municipale pour vendre la marijuana mais ne sont pas autorisés à en stocker plus de 500 grammes. La culture et la vente en gros sont actuellement interdites.
Ce projet présenté aujourd'hui prévoit également une approche plus dure de l'illégalité par la police et la justice, qui devront en faire leur priorité, a insisté la ministre de l'intérieur hollandaise, Guusje Ter Horst. Par ailleurs, le Conseil d'État néerlandais a posé une question préjudicielle à la Cour européenne de justice sur la possibilité de limiter l'accès de coffee shops aux seuls Néerlandais. Mais dans ce cas précis, une réponse n'est pas attendue avant un an et demi.
Deux communes néerlandaises, Roosendaal et Bergen-op-Zoom (sud-ouest), également proches de la frontière belge, avaient annoncé en mars la fermeture définitive, à partir de septembre, de leurs huit coffee shops, pour mettre fin aux nuisances de quelque vingt-cinq mille touristes qui viennent acheter chaque semaine du cannabis.
Conséquences des politiques permissives de la seconde partie du XXe siècle
Reste maintenant à savoir quelles seront les répercussions directes sur l'économie locale qui bénéficiait tout de même d'une manne financière non négligeable grâce au narcotourisme. Et à savoir si cette politique plus contraignante découragera les consommateurs locaux et détournera le narcotraffic développé dans le pays depuis la seconde moitié du vingtième siècle. Est-ce que des politiques permissives du "risque acceptable" du rapport Baan en 1972 et celle de limitation des risques décrite par le rapport Engelsman en 1985, n'ont-elles pas ancré le petit territoire dans le périmètre doré des narcotrafficants. Une géographie qui permet à ces derniers d'irriguer la majeure partie de l'Allemagne et des pays voisins du reste du Bénélux, et de France. Car nombreux sont les Français de tout horizon à se rendre régulièrement à Amsterdam. Ville au demeurant charmante et touristique, mais dont certains se délectent des libertés laissées au plaisir et au vice.
Ces retombées néfastes sont dûes en grande partie à la politique nationale développée aux Pays-Bas. Une initiative régionale ou européenne aurait peut-être eu plus d'impacts. L'Union cherche d'ailleurs toujours à limiter l'accès aux drogues. Et devrait sûrement se réjouir des dispositions prises par le gouvernement hollandais et par ses élus régionaux.
Une législation européenne hétéroclite
La vente et la culture du cannabis sont partout en Europe des infractions pénales.
Au Portugal, l'achat de produits stupéfiants destinés à la consommation personnelle constitue seulement une infraction administrative, au même titre que la consommation ou la détention à des fins personnelles.
Ces deux infractions pénales sont sanctionnées plus ou moins sévèrement selon les quantités sur lesquelles elles portent. Ainsi, le Portugal et la Suisse font de la culture du cannabis en vue de la consommation personnelle une infraction spécifique, punie plus légèrement.
En France, le débat a été soulevé lors de la dépénalisation du cannabis chez son voisin néerlandais, mais l'issue des discussions n'a rien apporté de nouveau. Une circulaire du ministère français de la justice datée du 8 avril 2005, appelle à une réponse pénale "systématique, plus cohérente, plus lisible et plus efficiente". Et qui vise à mieux distinguer les consommations à usage personnel des autres, ainsi que la différenciation entre les drogues dures et douces (notion créée au Pays-Bas).
Reste encore à homogénéiser les législations nationales au niveau européen pour lutter plus efficacement contre les consommations et surtout les trafics de stupéfiants.
Samir Mathieu est journaliste radio-reporter sur Fenêtre sur l'Europe