par Jean-Dominique Giuliani, le dimanche 26 avril 2009

Pour les élections européennes de juin prochain, il faut que les candidats et les partis politiques acceptent de faire de vraies propositions. Trop souvent les programmes sont vagues, généraux et marqués d'un archaisme qui n'est plus de mise. A quoi sert-il de réclamer "une autre Europe", que l'Europe change de cours" si on ne dit pas précisément ce qu'on veut et comment on va s'y prendre pour y parvenir?

Il est temps de parler politique au niveau européen et plus seulement de la regarder comme des spectateurs impuissants d'un objet assez justement sacré. Car des clivages apparaissent qui sont clairement des différences de vision et d'approches.


D'un coté, ceux qui se satisfont de la situation actuelle: une Europe pacifiée, économiquement beaucoup plus prospère et confortable que tout autre continent, une sorte "d'Europe libre-service" qui a réussi et dont rien ne prouve à leurs yeux qu'il faille changer le cours. Ceux-là prônent le marché unique et rien que le marché unique, l'élargissement comme seule politique étrangère et repoussent à plus tard les choix difficiles sur la défense et la sécurité.

On a vu avec la présidence tchèque et on risque de continuer à voir combien cette posture est insuffisante pour affronter l'actuelle crise économique, relever les grands défis stratégiques et poursuivre vers plus d'unité politique.

De l'autre, ceux qui s'interrogent sur le présent et l'avenir. Que convient-il de mettre en oeuvre pour surmonter plus efficacement la récession économique et garantir notre sécurité de manière durable?

Si l'on fait abstraction des eurosceptiques et des populistes qui, bien sûr, se poussent du col dans les difficultés, c'est à ces interrogations qu'il faut tenter d'apporter des réponses à l'occasion de la campagne électorale si on veut intéresser les électeurs.

3 sujets peuvent, par exemple, donner lieu à des débats politiques susceptibles d'éclairer le vote des Européens:


La politique économique européenne.


L'Europe doit-elle assumer son ouverture au monde, qui profite manifestement d'abord aux pays européens? Ou doit-elle se protéger et de quoi? Mais il faut aussi poser la question d'une politique économique commune, d'une conduite coordonnée, voire unifiée, des grandes décisions économiques. Tout le monde dit le souhaiter.

Quels abandons de souveraineté sommes-nous prêts à consentir pour y parvenir?
L'Euro qui nous a protégé de la tourmente financière n'est-il pas le point de ralliement évident de cette nouvelle avancée?

Enfin, nul ne doute que dans la concurrence mondiale exacerbée il faille muscler notre économie. Doit-on se fixer pour objectif d'augmenter le nombre de champions européens dans l'industrie et les services, doit-on libérer l'initiative en faveur des petites et moyennes entreprises qui produisent l'essentiel de la richesse et procurent le plus grand nombre d'emplois et quelles politiques spécifiques mettre en oeuvre pour cela?

Comment accroître l'indispensable effort de recherche et d'innovation qui produira la richesse européenne de demain? On sait que plusieurs méthodes s'affrontent entre le volontarisme traditionnel de la France, le laisser-faire idéologique du Royaume-Uni ou les divers degrés d'intervention publique que pratiquent d'autres Etats comme l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Italie.


La politique d'élargissement.


Qu'on le veuille ou non, une Union politique nécessite des limites. Tant que le "politiquement correct" européen n'acceptera pas d'en débattre, la politique actuelle sera contestée parce que la citoyenneté et l'identité européennes ne peuvent se construire qu'à l'intérieur d'un espace politique délimité.

Il faut accepter par ailleurs d'analyser objectivement les élargissements précédents et d'en débattre publiquement. Si la réunification du continent est un grand succès géopolitique, force est de reconnaître qu'un certain nombre d'erreurs ont été commises.

Le Parlement européen vient de reprocher à la Commission un manque de sévérité sur l'utilisation de l'argent communautaire en Roumanie et en Bulgarie où l'état de droit n'est pas satisfaisant au regard des critères européens. Les Etats membres auraient-ils dû se montrer plus vigilants pour cet élargissement?

La situation économique en Lettonie, en Hongrie, en Pologne, montre aussi que l'élargissement ne s'arrète pas le jour de l'adhésion. La responsabilité européenne est engagée. Ne leur faut-il donc pas une aide européenne, des contrôles européens particuliers et une solidarité renforcée? Ne conviendrait-il pas d'accompagner les nouveaux Etats membres après leur adhésion, ne serait-ce que pour éviter lla corruption?

Enfin, au fil des élargissements et des traités se multiplient les exceptions et les statuts particuliers. Une "Europe à la carte " est devenue la règle au détriment d'un "menu européen commun". Doit-on accepter dans l'Union des Etats qui n'acceptent pas tous les mêmes règles?


La politique de sécurité et de défense.


Elle est le vrai préalable à une politique étrangère commune. N'y-a-t-il pas urgence à offrir aux Européens et à leurs Etats une politique de sécurité commune qui, de toutes façons, progresse sous l'empire de la nécessité?

Pouvons-nous laisser sans dommages le crime organisé, les trafiquants d'être humains et de drogue, pénétrer en Europe comme jamais parce que nous hésitons à partager nos polices et notre justice?

Alors que le monde entier réarme, la très riche Europe pourra-t-elle rester longtemps désarmée et pacifique sans montrer une volonté de défendre et promouvoir son modèle de société?

Personne ne veut utiliser un outil de défense européen à des fins impériales ou expansionnistes, mais la présence non loin du territoire européen de puissances agressives ou instables ne nous impose-t-elle pas de nous en doter, ne serait-ce que pour garantir la paix?

L'Europe peut-elle accepter en son sein de véritables "clandestins" de la défense, des pays qui s'abritent sous le parapluie des autres? N'est-ce pas un risque important pour elle de voir se développer une "Europe à plusieurs vitesses", avec les responsables d'un côté et ceux qui suivent de l'autre?

Voilà quelques sujets qui devraient permettre des débats réels.
Il en est d'autres bien sûr.

Nous sommes en droit d'attendre des candidats et des partis politiques qu'ils se présentent aux élections européennes avec des propositions concrètes et des prises de position claires sur ces sujets controversés en Europe.

C'est de cela que nous voulons débattre parce qu'il va falloir bientôt décider de la réponse à toutes ces questions. Elles sont suffisamment importantes et difficiles pour que les électeurs aient leur mot à dire.

Et s'ils s'expriment par le vote, la Démocratie aura fait un grand pas et l'Europe pourra en faire aussi!...

Paru sur le site http://www.jd-giuliani.eu

Voir aussi la video :

http://videos.lefigaro.fr/video/iLyROoafJtNB.html


Jean-Dominique Giuliani est président de la fondation Robert-Schuman.eu 

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