par Patrick Martin-Genier, le lundi 30 avril 2012

Alors que la campagne présidentielle rentre dans sa dernière ligne droite, les portes de l'Union européenne semblent s'ouvrir à François Hollande avant même son élection comme président de la République française et ce même timidement.


Comme nous l'avions prévu il y a quelques semaines dans une précédente chronique, alors que nous nous placions dans l'hypothèse où François Hollande était élu président de la République, non seulement les portes s'ouvrent, mais les langues se délient et des coalitions semblent se former avant même sa probable victoire dimanche 6 mai prochain.

Angela Merkel déstabilisée

Le souffle de la campagne de François Hollande a été tel qu'il a atteint Berlin en quelques jours, la chancelière allemande ayant été obligée de faire savoir que l'agenda croissance constituerait un des points de l'ordre du jour du prochain conseil européen du 28 juin à Bruxelles.

C'est que cette semaine a vu de nombreux responsables politiques évoluer et non des moindres et sous la pression de deux personnalités italiennes de premier plan. En premier lieu, Mario Draghi, en qualité de président de la banque centrale européenne a lui-même plaidé pour un véritable pacte de croissance. Que le successeur de Jean-Claude Trichet à la tête de cette puissante institution financière ait pu émettre un tel vœu montre bien que même les banquiers s'interrogent sur la fuite en avant que constituerait la seule cure d'austérité sans précédent imposée aux citoyens de l'Union européenne, risquant d'aboutir à une récession en Europe qui serait synonyme d'un chômage encore plus fort.

En second lieu, Mario Monti, président du conseil italien, s'exprimant lors d'un colloque économique à Bruxelles, a lui-même averti qu'une politique d'austérité sans contrepartie en terme de croissance serait sans issue…

On comprend dès lors que face à un telle évolution de la situation, la chancelière allemande, qui risque de se retrouver très isolée sur la scène européenne si elle perd son ami et allié Nicolas Sarkozy, commence à élaborer une stratégie qui pourrait alors la remettre en selle, en tout cas qui éviterait qu'elle se retrouve complètement isolée sur l'échiquier européen.

Un dîner informel des chefs d'Etat et de gouvernement avant le 28 juin

Il faut dire en effet que durant ces années de crise, le couple franco-allemand a constitué de fait le directoire de l'Union européenne au grand dam des autres pays, notamment les pays plus modestes, mais aussi au détriment de la commission européenne dont le président, M. Barroso, selon certaines sources européennes, ne devrait pas regretter Nicolas Sarkozy…Les collaborateurs du président de la commission européenne se rappelleront probablement longtemps des éclats de voix du président Sarkozy dans les couloirs du conseil des ministres lors des conseils européens des chefs d'Etat et de gouvernement.

Voilà même que le président permanent du conseil européen Hermann van Rompuy, a fait savoir qu'il organiserait une réunion informelle des chefs d'Etat et de gouvernement à Bruxelles avant le conseil du mois de juin pour parler du thème de la croissance. Tout porte à croire aussi que d'autres pays européens s'accorderont sur une stratégie de croissance tant il est vrai que beaucoup souhaitent passer à autre chose.

Le « Président François Hollande »e pourrait donc bien voir se dérouler devant lui un tapis rouge au sens propre comme au sens figuré.

Cela dit, il serait illusoire de croire qu'il y aura un miracle dès le mois de juin, car la stratégie européenne de croissance ne recouvre pas forcément le même concept chez tous.

Tout d'abord, il n'est pas certain que François Hollande puisse obtenir la révision du traité sur la discipline budgétaire adopté au mis de mars dernier et déjà ratifié par plusieurs Etats membres…Jean-Claude Junker, Premier ministre luxembourgeois et président de l' « Eurogroup », vient même d'affirmer qu'il se chargerait de convaincre François Hollande de renoncer à ce projet. Angela Merkel a même catégoriquement rejeté cette hypothèse…Il est certain que l'explication entre le nouveau président-si François Hollande est élu- et la chancelière sera franc et sincère, c'est-à-dire mouvementé. La situation sera difficile : ni l'un ni l'autre ne voudront perdre la face pour des raisons différentes. Confronté à des élections législatives au moins aussi importantes que l'élection présidentielle, le nouveau président aura besoin de donner des gages aux Français qui l'auront élu mais aussi à l'aile gauche de sa majorité qui ne manquera pas, sous la pression de M. Mélenchon, de dénoncer toute forme de renoncement aux engagements de la campagne électorale. Angela Merkel, quant à elle, ne voudra pas prendre la responsabilité d'une crise en Europe, laquelle doit retourner devant ses électeurs en 2013…

Des mesures pour la croissance sans révision des traités…

La probabilité la plus certaine est que François Hollande n'obtiendra pas la révision des traités en cours de ratification, mais aura satisfaction pour que des mesures concrètes soient prises dès le sommet du 28 juin afin de stimuler la croissance, sur la base des propositions qui ont déjà été formulées par la commission européenne au mois de novembre dernier et dont certaines idées ont d'ailleurs été reprises par la France et l'Allemagne récemment….

Les équipes s'activent d'ores et déjà d'un côté comme de l'autre. Il est d'ailleurs fort à parier que si Nicolas Sarkozy est réélu, il insistera également sur la prise de mesures concrètes en faveur de la croissance…Mais, selon toute probabilité, sauf retournement extraordinaire de situation, il aura à cette date déjà fait ses adieux à la scène européenne.









Patrick Martin-Genier est Maître de conférence à l'IEP Paris, vice-président et éditorialiste de Fenêtre sur l'Europe

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