Bruno Vever, le 14 décembre 2017
Depuis des années les nationalistes eurosceptiques s’affublent de qualificatifs « souverainistes » et « citoyens » sans qu’aucune justification ni projet crédible ne vienne légitimer, dans le monde tel qu’il est, des appropriations que bien peu osent pourtant leur disputer frontalement chez les pro-européens !
Alors que la virulence des attaques anti-européennes vise le plus souvent des errements, des échecs ou des impuissances relevant plutôt d’un déficit d’Europe, les pro-européens, au lieu d’actualiser dans une vraie perspective les préoccupations de souveraineté et de citoyenneté restent décontenancés, divisés, défensifs, inaudibles.
Pourtant qui ne saurait comprendre que seule une Europe unie sur ses valeurs et dans ses capacités saura défendre l’avenir des Européens dans un monde où ceux-ci représentent aujourd’hui 10% de la population, 20% de la production, mais aussi 50 % des transferts sociaux ? Et qui ne saurait admettre qu’il s’agit là du seul moyen de recouvrer, face aux nouveaux géants du monde, une souveraineté crédible et une citoyenneté effective ? Car le constat est clair, objectif, loin des slogans trompeurs :
Il n’y a plus pour les Européens de souveraineté crédible autre qu’européenne
- l’euro qui cimente l’Europe fait respecter nos intérêts collectifs dans le monde
- achever l’UEM conditionne notre poids financier, économique, industriel
- une réciprocité dans les échanges et investissements tiers impose un front uni
- notre sécurité exige une puissance technologique et défensive commune
- les défis externes (terrorisme, climat, migrants) obligent d’intégrer nos moyens
- seule une politique extérieure unifiée peut permettre de peser dans le monde
Il n’y a plus pour les Européens de citoyenneté effective autre qu’européenne
- l’exercice des droits citoyens ne peut se concevoir sans libertés européennes
- la défense des contribuables implique un front uni face aux multinationales
- la protection des droits sociaux oblige à définir un encadrement européen
- l’européanisation des associations et entreprises exige des statuts communs
- l’extension des coopérations régionales appelle une relecture européenne
- l’importance vitale des décisions européennes impose une totale transparence
Cette souveraineté et cette citoyenneté élargies ne pourront toutefois guère s’affirmer sans prise de conscience des enjeux, tant entre les dirigeants que dans l’opinion, et sans rééquilibrage démocratique des institutions impliquant notamment une publicité des débats du Conseil européen, une généralisation des votes majoritaires, un budget européen à l’échelle des intérêts communs, un scrutin unique avec des listes transnationales aux élections du Parlement européen, et une Commission resserrée, concentrée sur l’intérêt européen, sans addition superfétatoire des nationalités.
Face aux souverainistes nationaux ancrés sur les générations passées, aujourd’hui honorées mais hier sacrifiées, il est temps de garantir aux nouvelles générations européennes une souveraineté crédible et une citoyenneté effective qu’elles ne nous pardonneraient pas d’avoir enterrées plutôt que fortifiées pour assurer l’avenir.
Bruno Vever est secrétaire général de l’Association Jean Monnet et délégué général d’Europe et Entreprises