par Didier Blanc, le lundi 02 avril 2007

A l'heure où l'Union européenne sort de sa torpeur post-référendaire par la grâce des commémorations visant à célébrer ses cinquante ans et de la déclaration de Berlin du 25 mars 2007, le temps est venu de s'interroger sur les prochaines cinquante années à travers le prisme institutionnel.


Conclus pour une durée illimitée, le traité instituant la Communauté européenne (CE) puis celui sur l'Union européenne continueront vraisemblablement de faire partie du paysage européen sous une forme ou sous une autre à l'horizon 2057. En attendant, ce qui frappe d'emblée l'observateur c'est la stabilité du système institutionnel. Depuis 1957, la seule institution nouvelle au sens des traités est… la Cour des Comptes. Ni le Conseil européen, ni le Comité des régions n'ont cette qualité. Il est vrai que toute modification de l'équilibre initial entre le pôle intergouvernemental (Conseil des ministres), le pôle supranational (Commission) et le pôle démocratique (Parlement européen) peut avoir des conséquences imprévisibles, susceptibles d'infléchir durablement le sens pris par la construction européenne.

Pour autant, l'organisation institutionnelle de l'Union européenne est appelée à évoluer, il est très probable que le Conseil européen devienne dans un futur proche, comme le prévoit le traité-constitutionnel du 29 octobre 2004, une institution. De toute évidence pareille promotion vaut renforcement du pôle intergouvernemental de l'Union que ne compensent guère les pouvoirs accrus du Parlement européen ou les ajustements touchant la Commission. Dès lors, pour s'en tenir aux intentions affichées par les Pères fondateurs de l'Europe communautaire, il convient de réformer en profondeur le pôle supranational et le pôle démocratique.

S'agissant du premier, l'accent doit être mis sur l'autorité du président de la Commission, ce que ne garantissent pas les modalités actuelles de formation de la Commission. Permettre au président de la Commission de composer lui-même le collège de commissaires en retenant comme formule celle d'une liste établie par le Conseil européen comptant le double ou le triple de postes à pourvoir, éviterait que celui-ci ne soit étouffé par la haute stature d'un président du Conseil européen désormais désigné pour plusieurs années. De même pour éviter une confusion en matière extérieure, la fonction de Ministre des affaires étrangères doit être supprimée afin de clarifier la répartition des rôles entre le pôle intergouvernemental et la Commission. La création d'un poste de vice-Président pourrait avantageusement le remplacer dans la mesure où elle rend mieux compte de la diversité de l'Union.

S'agissant du second, une augmentation des pouvoirs du Parlement européen, si elle n'est à négliger, n'est pas de nature à elle seule à faire du pôle démocratique le socle de l'Union européenne. D'autres voies méritent d'être explorées comme la création d'un Congrès réunissant les Parlements nationaux, idée portée tout au long de la Convention européenne par son président, V. Giscard d'Estaing, et reprise récemment par le gouvernement néerlandais, ou bien encore l'instauration d'un référendum européen. Cet instrument peut être complété par des mécanismes connus de la démocratie directe tels que l'initiative populaire, indicative, et le veto populaire, impératif. La constitution d'un corps politique européen ne pouvant en aucun cas se limiter aux recettes classiques de nos démocraties représentatives.

Quelques soient les formes suivies, la préoccupation centrale ici tient dans la mise en place d'une plus grande proximité entre les citoyens européens et leurs institutions. A ce titre la désignation des députés européens suivant le scrutin mixte en vigueur en Allemagne peut être envisagée, à cette différence près que la représentation propositionnelle guiderait l'ensemble des opérations, tout électeur pourrait voter à la fois pour des listes transnationales et pour des listes ayant un cadre géographique inférieur ou égal aux régions. Ce mode de désignation présente le triple avantage de participer à l'édification de partis politiques véritablement européens, de resserrer les liens entre l'électeur et l'élu et d'atténuer les réflexes politiques exclusivement nationaux.

Il ne s'agit là bien entendu que de quelques pistes, la question institutionnelle par son ampleur ne saurait se réduire à ces recettes instrumentales, la dynamique propre à chaque acteur est un facteur déterminant. Cependant, ce serait méconnaître l'essence profonde de la construction européenne que de favoriser un pôle, quel qu'il soit, au détriment des deux autres. Pour cette raison bien sentie, depuis vingt cinq ans l'implication croissante du Conseil européen est allée de pair avec la montée en puissance du Parlement européen. Si cette relation présente de nombreuses vertus elle a fait une victime : la Commission. L'ignorer c'est courir le risque de faire des cinquante prochaines années, les cinquante dernières années de l'idée européenne.



Didier Blanc, Maître de conférences à l'Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines et Directeur adjoint du laboratoire Droit de la Ville et des Politiques Urbaines (E.A. n°3643).

Ouvrage récent : L'Union européenne, Ellipses, Paris, 2006, 352 p. ; à paraître : La relance par la réforme des institutions, Quelle relance pour la construction européenne ? Bruylant, Bruxelles, 2007.

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