Alors que l'Union européenne s'est lancée dans le "bilan de santé" de la PAC, elle doit surmonter un certain nombre de difficultés liées à son histoire récente.
La politique agricole commune a été pensée pour des agricultures ayant des niveaux de développement comparable, fortement mécanisées et productivistes jusque dans les années 1990 avant de se réorienter vers un modèle qui privilégie le développement rural. Or, pour les nouveaux États membres, sortis d'économies socialistes voire soviétiques, les difficultés sont différentes : décollectivisation, reprise d'une activité qui doit subvenir aux besoins des producteurs et entrée dans un modèle productiviste. Deux Europes agricoles pour une seule politique commune ? Voilà un des défis de la réforme.
En effet, la PAC, politique emblématique de la construction européenne, doit faire face à plusieurs défis qui relèvent des multiples dimensions qu'elle revêt pour les Européens : indépendance alimentaire, sécurité alimentaire, développement rural, accès de tous les Européens à des biens agricoles à des prix abordables et enfin justice internationale envers les pays les moins développés.
Les négociations européennes seront d'autant plus complexes que les Européens doivent arbitrer entre une PAC ambitieuse et le développement de nouvelles politiques (action extérieure, recherche et développement, etc.) dans une enveloppe budgétaire contrainte par un budget communautaire famélique et dans une période de crise financière internationale prolongée.
Alors que l'Union européenne sera probablement partagée d'un côté entre États bénéficiaires de la PAC à l'Ouest (France / Espagne etc.) et États à fort potentiel à l'Est (Pologne / Roumanie / Lituanie) et d'un autre États préférant que l'Europe s'engage dans une grande politique de recherche et de développement (Grande-Bretagne / Pays scandinaves et peut-être Allemagne, etc.), il sera intéressant de voir si de nouvelles alliances ad hoc apparaissent, si les logiques anciens / nouveaux seront dépassées durablement.
D'ailleurs, le débat n'engagera pas que les États, mais aussi les producteurs, les consommateurs, les ruraux en général, les ONG de défense des pays du Tiers Monde... En effet, notre Politique agricole commune est bien sûr un ensemble de choix techniques et budgétaires, mais elles recouvre aussi un véritable choix de société pour tous les Européens : choix de vie, de modes de consommation ou de solidarité avec les pays les moins développés.
Il faudra donc surmonter les clivages les plus immédiats pour penser une "exception européenne" renouvelée.
La PAC, parfois qualifiée de "politique du passé", a en réalité beaucoup d'avenir compte-tenu des défis qui sont les siens.
Paru le 1er novembre 2008 sur le site de Nouvelle Europe
Philippe Perchoc est président de Nouvelle Europe
http://www.nouvelle-europe.eu