par Mohammed Boubouche, le lundi 22 septembre 2008

Le vendredi dernier, 5 septembre 2008, a marqué une étape importante dans l'histoire des relations États-Unis-Libye avec la visite de la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice. La réunion avec le colonel Mouammar Kadhafi dans la capitale Tripoli a représenté le point culminant de cinq ans d'efforts des USA pour normaliser les relations avec la Libye.


Condoleezza Rice est le plus haut responsable américain à jamais rendre visite à Kadhafi et aussi le premier secrétaire d'État américain à venir en Libye sur une mission diplomatique depuis John Foster Dulles en 1953 au cours de l'administration Eisenhower.

Cette visite est historique. Elle peut fournir une feuille de route pour la politique future. La mise en œuvre et les résultats de la politique américaine, en se concentrant sur la diplomatie vers la Libye, fournissent un cadre de la façon dont les États-Unis devraient s'engager potentiellement avec d'autres pays voyous cherchant à modifier leur position dans l'ordre mondial de l'après 11 Septembre.

Avant 2003, la perspective de rapprochement entre les États-Unis et la Libye semblait aussi peu probable que celle pour Saddam Hussein de recevoir une invitation à la Maison Blanche. Depuis le renversement du roi Idris par coup d'État militaire en septembre de 1969, les États-Unis et la Libye se sont constamment heurtés, ce dernier pays utilisant souvent le terrorisme comme une tactique ciblant les États-Unis et de ses citoyens.

Parmi les atttentats les plus marquants figure l'explosion planifiée par la Libye en 1988 du vol Pan Am 103 qui a explosé en plein vol au-dessus de Lockerbie, en Écosse et a tué plus de 270 personnes.

Toutefois, en 2003, la Libye a fait un effort en direction des États-Unis et leurs alliés occidentaux. Le pays d'abord accepté la responsabilité de l'attentat de la Pan Am 103 et a offert de payer 2,7 milliards de dollars aux familles des victimes. La Libye a également reconnu et accepté d'abandonner son programme d'armes nucléaires. Le 17 septembre, 2005, devant l'Assemblée générale de l'ONU, le ministre des Affaires étrangères de Libye a condamné le terrorisme en présence de la secrétaire Rice. Et fin juin 2006, les États-Unis retiraient officiellement la Lybie de leur liste des pays terroristes.

Le rapprochement entre les États-Unis et la Libye semblait devenir soudain un très raisonnable objectif politique. Toutefois, en janvier 2008, un nouvel obstacle à ce rapprochement est apparu, quand le juge de district Henry H. Kennedy, jugeant la Libye responsable de l'attentat du vol UTA 772, accordait 6 milliards de dollars aux familles des victimes.


Le Foreign Sovereign Immunities Act de 1976 (modifié en 1998) empêche, certes, les citoyens américains de poursuivre des États étrangers devant les tribunaux américains par l'octroi de l'immunité aux Etats. Cette loi contient cependant plusieurs exceptions, dont l'une abroge l'immunité d'un État étranger qui tue des Américains dans un attentat terroriste. La Libye, qui avait de l'argent à régler pour l'attentat du Pan Am 103, fut furieuse et fît appel de cette décision.

Les États-Unis entamèrent alors des négociations en mai 2008 en vue de parvenir à un règlement final avec la Libye. Le 31 juillet 2008, le Congrès adoptait une loi sur le règlement des revendications, que le Président Bush signait quatre jours plus tard. Cette législation donnait à la Libye l'immunité de poursuites une fois effectué le paiement des 2,7 milliards $ du vol Pan Am.

La Libye a pu dès lors investir aux États-Unis tandis que les craintes de voir gelé ou saisi tout investissement en Libye s'atténuaient.

Le 14 août de cette année, les États-Unis et la Libye a signé un nouvel accord en vertu duquel la Libye a accepté de payer plus de 1 milliard de dollar à un organisme créé par le gouvernement des États-Unis dont le but est de distribuer de l'argent aux familles des victimes des attaques terroristes libyennes. Les États-Unis ont, pour leur part, accepté de verser des réparations aux familles des quelque 40 personnes mortes en 1986 dans des attaques aériennes américaines en Libye.

Lorsque deux nations, qui ont été avant ennemies et rivales, se rapprochent pour former ensemble des politiques bénéfique peut-on dire que la diploatie a gagné ? La réponse évidente est oui, mais sa concrétisation reste compliquée.

Les deux pays ont utilisé la diplomatie avec une bonne dose realpolitik. Cette relation a permis aux États-Unis de recevoir la pleine coopération de la Libye dans la guerre contre le terrorisme et les entreprises américaines bénéficient actuellement du monde des affaires en Libye. Celle-ci, de son côté, a condamné le terrorisme et cherche activement à investir aux États-Unis et chez d'autres puissances occidentales.

Les États-Unis vont-ils poursuivre une politique d'engagement avec plusieurs de leurs autres ennemis ? Cela reste une question urgente aujourd'hui que deux pays voyous, l'Iran et la Corée du Nord posent une menace à la sécurité nationale. L'Iran continue d'accélérer son programme d'armes nucléaires et les États-Unis refusent de négocier avec le régime. Dans le cas de la Corée du Nord, les efforts diplomatiques sont stoppés depuis que la République populaire démocratique de Corée a acquis l'arme nucléaire.

La Libye offre un exemple unique. En s'engageant directement avec elle à la table des négociations, les États-Unis ont prouvé à quel point la diplomatie pouvait être un puissant outil. Son cas unique, crée un cadre de base qui peut être appliqué à d'autres pays voyous en démontrant comment une politique d'engagement direct peut conduire à une politique mutuellement bénéfique en résultats. Mais, comme avec la Libye, la diplomatie doit être appliquée au cas par cas.


Mohammed Boubouche est étudiant chercheur en relations internationales, Université Mohammed V- RABAT- AGDAL , MAROC.

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