par Xavier Grosclaude, le samedi 03 mai 2008

Les prochaines élections européennes auront lieu en Juin 2009 et comme beaucoup d'électeurs je suis certain qu'une petite voix intérieure vous murmure "et alors…".


Cette réaction qui correspond à une réalité électorale avec un taux d'abstention aux dernières élections européennes proche de 55% pour l‘ensemble de pays membre de l'Union est- elle condamnable ? D'un point de vue civique, elle l‘est assurément, d'un point de vue politique, on peut s'interroger et se demander si depuis 1979, date de la première élection du Parlement européen au suffrage universel direct, l‘offre des partis politiques en matière européenne est réellement à la hauteur des enjeux ?

Une chose est certaine, la maîtrise par les français des sujets européens est inversement proportionnelle au montant des sommes allouées par la Commission Européenne pour la communication institutionnelle. Selon le dernier sondage Eurobaromètre, le parlement européen reste largement méconnu du grand public même si, élection oblige, il jouit d'une image positive.

En France et malheureusement cela ne devrait pas changer, il est de tradition de faire élire au Parlement Européen les recalés des élections municipales et législatives, les anciens ministres en déshérence, les people en mal de notoriété et pour faire bonne figure quand même une poignée d'européens convaincus dont l‘engagement est sincère et le travail tout à fait remarquable. Cette pratique, tout à fait contestable et souvent incomprise de nos partenaires européens, a pour principal effet de "plomber" avec une efficacité remarquable la campagne pour les élections européennes.

En réalité, à la lumière des élections de 2004, trois scenarii très différents les uns des autres mais qui peuvent aisément coexister sont prévisibles pour les prochaines élections européennes.

Le premier est le scénario "vertueux" . Pour se dérouler, ce scénario exige un débat politique "dénationalisé" c‘est à dire uniquement centré sur les défis à relever par l'Union Européennes dans les vingt prochaines années (défi énergétique, technologique, militaire, écologique..) en dehors de toute préoccupation franco-française. A priori, on peut douter de sa faisabilité en raison de la méconnaissance évoquée précédemment, du peu d'attrait des médias pour la technicité européenne et de la réelle difficulté des partis politiques à appréhender le sujet "Europe" de manière globale et didactique. Néanmoins, si la Présidence française se révélait être d'exception et le ressenti de l'opinion publique européenne positif il y aurait une opportunité que les partis politiques français auraient tort de ne pas saisir.

Le second scénario est le scénario "moelleux". Il correspond à une nationalisation du débat européen autour de sujets à dimension essentiellement sociale sans réelle mise en perspective des vrais enjeux européens. Ce scénario est culturellement celui du Parti Socialiste mais il n'est pas exclu que l'Union pour la Majorité Présidentielle soit tentée de l'adopter, du moins partiellement, sous la pression des élus de base soucieux de choyer la frange la plus populaire de leur électorat.

Ce scénario présente l'énorme inconvénient d'entretenir les français dans des chimères depuis longtemps abandonnées par nos partenaires européens sans proposer de réelles perspectives pour l‘avenir.

Le troisième scénario est le scénario que je qualifierai de "calamiteux" . Ce dernier consisterait à réduire la prochaine campagne électorale pour les élections européennes à un débat de télé réalité sur des sujets aussi émotionnels que les organismes génétiquement modifiés, l‘adhésion de la Turquie à l'Union Européenne, l'immigration...le tout assorti de la traditionnelle ritournelle "on nous dit rien, on nous cache tout !". Ce scénario recherché historiquement par tous les professionnels de l‘agitation (souverainistes, altermondialistes, nationalistes ...) sent souvent bon le populisme et pollue plus le débat qu'il ne le fait avancer mais personne ne peut nier qu'il faut désormais composer avec.

En réalité, il n‘est pas impossible que nous soyons obligés de composer avec les trois scenarii dans un ordre qui ira très vraisemblablement du vertueux au calamiteux. Pourquoi ? Tout simplement parce que les thématiques qui serviront de marqueur à la prochaine campagne seront vraisemblablement ceux de la Présidence française enrichis à la marge de nouveaux sujets susceptibles d'alimenter le débat de manière discriminante. Dans cette hypothèse, il est probable, sauf événement majeur de nature à recadrer la campagne vers le haut (grave crise monétaire, nouvelles tensions dans les Balkans….) que le débat ait du mal à décoller d'où la tentation de revenir aux fondamentaux de la culture politique française "le social" (scénario mœlleux) avant de basculer dans un populisme facile à médiatiser (scénario calamiteux).

Personnellement, j'aimerais très sincèrement me tromper…


Xavier Grosclaude est diplômé en sciences politiques et en droit communautaire. Membre de plusieurs think tanks français, il combine une double expérience des affaires européennes en France et au Royaume-Uni.  

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