par Noëlle Lenoir, le mardi 08 décembre 2009

Pour la première fois dans l'histoire de l'Europe, une session plénière – et non des moindres puisqu'il s'agit de celle lors de laquelle les députés européens vont donner l'investiture à la nouvelle Commission – se tiendra en janvier à Bruxelles. Il y a longtemps que le siège du Parlement européen à Strasbourg est contesté, au nom d'une soit disant rationalisation des implantations des institutions communautaires. Plutôt que d'abandonner Strasbourg, songeons plutôt aux moyen de la faire rayonner comme l'une des capitales européennes.

Editorial paru sur le site du cercle des européens le 7 décembre 2009
http://www.ceuropeens.org


Strasbourg attaquée, mais jusqu'ici Strasbourg confortée.

Il y a longtemps que le siège du Parlement européen à Strasbourg est contesté, au nom d'une soit disant rationalisation des implantations des institutions communautaires. Des députés européens font valoir le coût selon eux exorbitant des sessions du Parlement européen dans la capitale alsacienne. La question est évoquée à l'occasion de questions écrites et orales, et même de pétitions dont certaines rencontrent un certain succès.

Ainsi, la pétition "Oneseat", initiée par une ancienne eurodéputée et signée par plus d'un million de citoyens de l'UE, réclame un siège unique à Bruxelles pour le Parlement européen, plutôt que les trois sièges actuels, à Bruxelles, Strasbourg et Luxembourg. "Oneseat" évalue à 200 millions d'euros le coût annuel du déplacement des activités parlementaires de Bruxelles à Strasbourg (mais on pourrait aussi bien considérer que ce coût – dont on ne connaît pas les modalités de calcul – est généré par le déplacement de ces activités de Strasbourg à Bruxelles.)

Jusqu'à présent, ces attaques n'ont pas eu de conséquences. Par exemple, en janvier 2009, une déclaration demandant le transfert du siège du Parlement européen à Bruxelles a été rejetée faute d'avoir pu recueillir la signature d'une majorité de députés trois mois après son dépôt.


Le coup de canif de l'investiture de la nouvelle Commission à Bruxelles.


Malgré cela, tout se passe comme si la France n'entendait plus vraiment défendre le siège de Strasbourg. Ce qui est paradoxal au moment où les dirigeants français affirment leur engagement en Europe et leur capacité à continuer de peser sur son destin. On comprend d'autant moins cet abandon que le TGV Est, tant attendu, est à présent en marche et fort utilisé.

Le fait est pourtant là. Pour la première fois dans l'histoire de l'Europe, une session plénière – et non des moindres puisqu'il s'agit de celle lors de laquelle les députés européens vont donner l'investiture à la nouvelle Commission – se tiendra en janvier à Bruxelles. Ceci contrevient à mon avis à l'accord passé entre les Etats au Conseil européen d'Edimbourg de décembre 1992, et introduit dans le traité d'Amsterdam sous la forme d'un protocole annexe. Cet accord prévoit en effet que : • Le siège du Parlement européen est à Strasbourg où se tiennent les 12 périodes annuelles de session, y compris la session budgétaire ; • Les périodes de session plénière additionnelles et les réunions des commissions parlementaires ont lieu à Bruxelles ; • Le Secrétariat général et ses services sont installés à Luxembourg.

La Cour de Justice des Communautés européennes, par un arrêt du 1er octobre 1997 (République française c/Parlement européen, affaire C-345/95) avait contré la tentative de regrouper toutes les sessions à Bruxelles – tout en laissant le Secrétariat général à Luxembourg – en des termes qui valent la peine d'être rappelés. La Cour avait évoqué "la décision des représentants des gouvernements des Etats membres relative à la fixation des sièges des institutions…qui a définitivement fixé le siège du Parlement à Strasbourg, tout en maintenant plusieurs lieux de travail…"


Il faut défendre Strasbourg, comme l'une des capitales européennes.

Symbole de la réconciliation franco-allemande et donc de la fondation de l'Europe, siège de la Cour européenne des droits de l'homme, Strasbourg doit rester un lieu vivant de la démocratie européenne. Les Luxembourgeois, qui accueillent sur leur territoire de nombreux services tant de la Commission que du Parlement européen n'admettront jamais de les voir se délocaliser. Ils viennent même de lancer un important programme de construction pour étendre encore leur lien avec les institutions communautaires.

Plutôt que d'abandonner Strasbourg, songeons plutôt à un vrai aménagement européen pour Strasbourg. J'ai été heureuse pour ma part d'initier en 2002, avec mon collègue Hans-Martin Bury ministre allemand des Affaires européennes, l'eurodistrict de Strasbourg-Kehl, avec à la clé notamment un projet de train "Euro-Express" faisant la navette plusieurs fois par jour entre l'aéroport de Francfort et Strasbourg.

Bref, les idées ne manquent pas sur la manière de faire rayonner Strasbourg, comme l'une des capitales européennes. La mauvaise idée et la mauvaise action seraient de retirer le Parlement européen de cette ville frontière entre la France et l'Allemagne.



Noëlle Lenoir, est ancienne ministre déléguée aux Affaires européennes. Elle est présidente de l'Institut d'Europe d'HEC et du Cercle des Européens 

http://www.hec.fr/institut-europe

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