par Claude Emmanuel Triomphe, le mercredi 03 juin 2009

La participation aux prochaines élections européennes s'annonce calamiteuse dans la quasi totalité des pays-membres. Et même la possibilité de faire de l'anti, - anti-Sarkozy, anti-Berlusconi, anti-Zapatero, anti-Brown ou anti-Klaus - ne paraît guère mobiliser les foules. Faute à la crise ? Faute à la météo ? A l'Europe ? Aux partis ? A nous-mêmes ?

Editorial paru le 20 mai dans la lettre de Metis


L'euroscepticisme semble gagner. Non pas que nous soyons indifférents aux réalisations de l'Union : la paix, l'euro, la liberté d'aller et venir. Mais l'Europe ne nous parle plus. C'est devenu tellement compliqué. Comment expliquer la nature des compromis tissés à 27 ? La teneur de règles qui ne s'appliquent pas directement puisque la quasi totalité d'entre elles réclament des transpositions nationales qui peuvent prendre des années ? Comment expliquer que sur telle question l'Europe agit (parce qu'on lui a donné compétence) et que sur telle autre elle se tait (parce que les Etats l'ont voulu ainsi) ? Beaucoup d'entre nous ont déjà baissé les bras. C'est parfaitement compréhensible mais...est-ce bien raisonnable ?

Si nous continuons dans ce cercle vicieux, c'est le théorème de Dati (oui, Rachida et sa vidéo où elle exprime certes avec cynisme mais aussi avec une certaine vérité la manière dont bien des hommes politiques européens d'aujourd'hui considèrent l'Union) qui va l'emporter. Pour Metis, l'Europe a un rapport profond au travail. Il fait partie de notre socle, de notre identité commune, de la manière dont nous nous réalisons les uns et les autres. Son absence est un drame. Je vous parle du chômage bien sûr et des dégâts de ce que nous continuons à appeler « la crise ».

Mais l'absence du travail en Europe ce n'est pas que le chômage. Ni la faute à la crise. C'est l'absence de toute une réalité. Délaissée y compris par ceux qui ont fait du travail l'emblème de leur parti comme c'est le cas par exemple du Labour, des travaillistes au Royaume Uni : voyez ce qu'en dit Steve Jefferys. Qui porte la question du travail et des évolutions dans nos sociétés ? Qui est capable d'en parler, non pas sur un mode passéiste et révolu ni sur un mode totalisant et lénifiant, mais sur un mode juste ? Est-ce parce qu'une grande partie du travail s'est dématérialisé - adieu usines, machines et ouvriers ? - qu'il serait devenu invisible ou intangible ? Est-ce parce que les « travailleurs » se sont fondus dans une société salariale qui a tout envahi et qui ne fait plus de distinction entre ses membres, les rendant alors anonymes et inexistants ? Seule la campagne électorale allemande semble aujourd'hui animée par un vrai débat : tout travail est-il bon ou faut-il un « bon travail » pour tous ?


Certains - et parmi eux des députés européens comme Jan Cremers - y croient encore et se battent pour que l'Europe du travail existe. Mais ça ne résout pas le problème. Le politique a voulu croire que l'économie et donc le travail pouvait - et même devait - se passer de lui et ce à tous niveaux. La crise le force à reconsidérer ses choix mais le fera-t-il ? N'y a-t-il pas comme des tentations soit du bon vieux retour à l'Etat-nation - et à l'heure de la mondialisation, cela relève du n'importe quoi - soit d'une sorte d'attentisme vers des jours meilleurs où reviendrait le "business as usual " ?

Les élections européennes pourraient être ce moment du retour de l'Europe et des Européens à la Politique. Je crains que le coup soit mal parti. Que les Etats-membres n'aient plus de vrai projet. Que la Commission soit aussi faible et décalée que ces dernières années. Que la Parlement n'en puisse plus. Et que le citoyen aille voir ailleurs.


Claude-Emmanuel Triomphe est directeur de publication et de la rédaction de Metis 

http://www.metiseurope.eu

Organisations en lien avec Fenêtre sur l'Europe :