par Xavier Grosclaude, le mercredi 20 mai 2009

La future demande d'adhésion de l'Islande constitue une bonne nouvelle pour l'Union européenne car elle confirme l'attractivité, à l'est comme à l'ouest, d'un modèle de gouvernance supranational forcement imparfait mais qui a le mérite de conjuguer unité, liberté et diversité. Néanmoins, elle risque, à quelques semaines de l'élection des futurs députés européens, de relancer de manière très partisane et forcement caricaturale le délicat débat sur les frontières de l'Europe.


Il est vrai que plus de cinquante ans après la signature du Traité de Rome, l'Union européenne reste toujours un "projet politique géographiquement non identifié". S'agit-il d'un handicap ou un d'atout ? Les avis sur le sujet divergent selon l'angle d'attaque adopté.

Si on conçoit l'Union européenne comme un "espace identitaire" forcément homogène et nécessairement contenu dans un espace géographique fixe, l'absence de frontières stables constitue assurément un handicap pour l'Union en freinant l'émergence d'une véritable conscience politique européenne en son sein.

Cette approche que, d'aucuns jugent réductrice, obéit néanmoins à une cohérence certaine héritée de la construction des Etats-nation. Par ailleurs, elle a le mérite de la clarté, en revanche elle présente l'inconvénient majeur, en établissant un lien direct entre frontière et identité, de "geler" le projet européen sur le plan territorial sans offrir en contrepartie de réelle visibilité sur les modalités concrètes d'un futur approfondissement du dit projet dans une Europe "fermée".

A l'inverse, si on dépasse le critère géographique comme critère déterminant pour se concentrer sur le critère politique à savoir le partage de valeurs communes fondées sur le respect de l'Etat de droit et la reconnaissance effective des droits de l'homme par tous les pays membres de l'Union, l'absence de frontières fixes devient alors un atout en laissant les circonstances politiques jouer en sa faveur.

Pour l'administration américaine, il y a longtemps que ce débat a été tranché. Les frontières définitives de l'Union européenne doivent tout simplement être celles des pays membres du Conseil de l'Europe, Russie mise à part… En effet, vu de Washington, l'Union européenne est vouée, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, à être "le miroir grossissant" sur le continent européen des valeurs occidentales défendues par les Etats-Unis.

Malheureusement, cette vision de l'Union européenne, qui n'est pas neutre, présente un défaut majeur, celui d'admettre de facto l'existence d'un leadership exclusif au sein du camp occidental. Or, dans un monde multipolaire traversé par d'innombrables lignes de fractures (politiques, religieuses, culturelles…) il n'est ni dans l'intérêt des Etats-Unis, ni a fortiori dans celui de l'Union européenne, de s'enfermer dans un quelconque monolithisme idéologique. Dit autrement, en des termes empruntés à la culture juridique, l'Union européenne n'a pas vocation à devenir "l'accessoire du principal" fût- il un pays ami mais "un des principaux sans accessoire" !

Aujourd'hui, plus encore qu'hier, l'intérêt de l'Union européenne est de se construire de façon autonome en jouant à la fois de son humanisme , de sa spécificité (l'affirmation sans concession de la primauté du droit sur la force ) et de sa plasticité, à savoir sa capacité au niveau international à développer, sur des sujets d'intérêt général, des espaces de coopération à géométrie variable.

De fait, aujourd'hui, les vraies frontières de l'Union européenne sont peut-être celles de son influence. Quoiqu'il en soit, quelle que soit l'approche retenue, géographique ou non, l'Union européenne sera toujours jugée à Moscou, Pékin ou Brasilla sur sa capacité ou son impuissance à faire vivre sa vision du monde en dehors du continent européen…


Xavier Grosclaude est diplômé en sciences politiques et en droit communautaire. Membre de plusieurs think tanks français, il combine une double expérience des affaires européennes en France et au Royaume-Uni.  

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