Lorsqu'il a présenté au Parlement européen, mercredi 20 janvier, les priorités de l'Espagne pour sa présidence tournante (ce système n'a pas disparu, le traité de Lisbonne ayant seulement introduit une présidence stable au Conseil européen, pas au Conseil des ministres), José Luis Zapatero a particulièrement insisté sur le volet économique. C'est d'ailleurs sous présidence espagnole que sera lancée la stratégie de croissance pour les dix années à venir, la " stratégie UE 2020", qui succèdera à la "stratégie de Lisbonne".
Renforcer la gouvernance économique
Dans les réponses qu'il a faites aux eurodéputés, M. Zapatero s'est à nouveau déclaré favorable au fait de prévoir des "sanctions" pour les pays qui ne respecteraient pas la stratégie économique de l'Europe. L'Espagne avait fait des déclarations officielles selon lesquelles elle voulait aller vers un " gouvernement économique européen." S'il faut davantage de coordination et de solidarité économiques en Europe, ce n'est peut-être pas servir leur cause que d'employer les termes de "sanction" (idée totalement irréaliste quand les dettes publiques explosent) et de "gouvernement économique" (que certains pays, dont l'Allemagne, comprennent uniquement comme une menace pour la BCE).
Du coup, rien ne va avancer
Dans le cadre de la consultation ouverte par la Commission sur la stratégie UE 2020, Confrontations Europe a livré une contribution, disponible sur notre site (1), dans laquelle ces termes-épouvantails ne sont pas utilisés. En revanche, des propositions concrètes sont faites à la fois dans le sens d'une plus grande coordination des finances publiques nationales et d'une utilisation plus résolue du budget communautaire : synchronisation des exercices budgétaires nationaux ; conférence annuelle des Parlements nationaux et européen sur les questions de politique économique et de budget ; définition d'un véritable agenda politique des institutions sur la mandature jusqu'en 2014 ; mise au point d'un mécanisme de solidarité financière à destination des pays en grave difficulté financière, assorti de conditions (sorte de « Fonds monétaire européen ») ; diminution du nombre de priorités du FSE (pour les centrer notamment sur les questions de formation) ; versements des fonds européens plus soucieux d'inciter au respect des priorités
C'est ce genre d'options que l'Europe devrait mettre sur la table.
Trouver de nouvelles sources de croissance
Sur le fond, les priorités économiques de la présidence espagnole telles que rappelées le 20 janvier par M. Zapatero comprennent les points suivants : mise en place d'un "marché commun de l'énergie" (ce qui suppose des "interconnexions énergétiques" et un "cadre régulateur commun") ; mise au point d'un "marché intérieur numérique" ; effort dans "l'économie ou l'industrie durable", passant par un plan de développement du véhicule électrique ; investissements dans la recherche et l'éducation.
Sur ces sujets également, les idées avancées par Confrontations Europe sont nombreuses. En matière de politique énergétique, pourquoi ne pas créer une agence européenne des infrastructures de réseau pour coordonner l'ingénierie et le financement ? Pour ce qui est de l'approfondissement du marché intérieur, nous suggérons par exemple une dimension plus européenne de la gestion du dividende numérique. En matière d'économie de la connaissance, nous pensons que les efforts ne doivent pas se limiter à l'excellence, mais qu'un gigantesque effort de formation est à accomplir, rendu d'autant plus nécessaire par le vieillissement démographique.
Bref, il est urgent de débattre d'options concrètes, pour donner de la chair et de l'effectivité à la stratégie 2020.
Pour l'instant cependant, force est de constater qu'il n'y a pas grand-chose de concret sur la table. Certes, la stratégie UE 2020 n'est pas encore officiellement née, mais comme le souligne Philippe Herzog (2), "il n'y a ni gouvernance, ni agenda d'action à court terme ; comment alors prétendre bâtir du long terme [
]" ?
Les autres priorités de la présidence espagnole
Il n'y a pas que l'économie dans la vie, malgré la crise ! Parmi les priorités qu'elle a présentées, l'Espagne a souligné la mise en uvre du Traité de Lisbonne, en insistant sur sa volonté de coopération avec le Président du Conseil européen, avec la Haute représentante, avec la Commission, avec le Parlement européen
Il est vrai que l'Union a désormais tant de têtes, auxquelles il faut ajouter celles des grands Etats membres, comme on l'a vu à Copenhague, que la coordination va devenir encore plus nécessaire.
L'Espagne insiste également sur la dimension externe de l'Europe et sur la mise en place du "service européen pour l'action extérieure" (prévu à l'article du traité sur l'Union européenne - sur lequel il va falloir trouver un modus vivendi entre la Commission, le Conseil, les Etats membres et le Parlement européen.
Sur les dossiers de fond, l'Espagne souhaite que l'Europe promeuve le multilatéralisme, donne une nouvelle dimension aux relations avec les Etats-Unis et le Canada, accomplisse un saut quantitatif avec l'Amérique latine et les Caraïbes (M. Zapatero a d'ailleurs ouvert son discours du 20 janvier en faisant mention d'Haïti) et poursuive les négociations d'adhésion avec la Croatie et la Turquie.
Le programme est ambitieux, mais c'est affaiblie par son économie (nous y revoilà) que l'Espagne aborde sa présidence. A suivre
(1) « Contribution de Confrontations Europe
extrait d'interface 53, janvier 2010 de Confrontations Europe
http://www.confrontations.org
Olivier Lacoste est directeur des études à Confrontations Europe