par Patrick Martin-genier, le lundi 21 mai 2012

Incontestablement le nouveau président François Hollande a réussi ses premiers pas sur les scènes européenne et internationale et cela n'était pas évident.

Dès son investiture et sa prise de fonction à l'Elysée, le président de la République s'est envolé pour Berlin dans des conditions climatiques très mauvaises puisque son avion a dû faire demi-tour sur la base militaire de Villacoublay avant de repartir à Berlin. Certains y ont vu un mauvais présage selon lequel cette péripétie climatique augurait mal des entretiens qu'il allait avoir avec la chancelière allemande. Angela Merkel était elle-même « sonnée » après son cuisant revers électoral dans le Land de Rhénanie-Westphalie.


Une chancelière circonspecte mais à l'écoute…

Arrivé à Berlin et aussitôt après les honneurs militaires, le nouveau chef de l'Etat s'est engouffré avec la chancelière dans une voiture en partance pour la chancellerie où les premières discussions sérieuses ont pu commencer. François Hollande avait pris soin de prendre dans ses bagages son nouveau conseiller diplomatique, un spécialiste…de la Chine.

C'est donc à cette occasion que la chancelière, qui avait refusé de recevoir François Hollande à Berlin comme candidat, a donc fait connaissance du nouveau président avec un certain brin de scepticisme sans aucun doute, mais aussi avec la prudence qui s'impose.

Ce n'est pas cette rencontre de quelques heures qui aura permis de faire le point sur les éventuelles divergences, mais la chancelière avait bien pris le soin de faire savoir qu'elle n'était pas a priori hostile à ce que l'on parle de croissance. Lors de la conférence de presse qui a suivi, les deux dirigeants ont parlé de croissance et ont d'ailleurs dit qu'il s'agirait du sujet au menu du prochain conseil européen informel des chefs d'Etat et de gouvernement mercredi prochain.

La France ne veut pas ratifier en l'état le traité de discipline budgétaire

Alors que François Hollande était à Berlin, le gouvernement était en voie de constitution à Paris et le lendemain, M. Moscovici était nommé ministre de l'économie et des finances. L'une des premières déclarations du ministre fut pour dire que la France ne ratifierait pas en l'état le traité sur la discipline budgétaire si on n'y adjoignait pas un volet croissance.

La discussion risque donc d'être tendue mercredi prochain, et ce alors même que plusieurs dirigeants européens ont donné raison, sur le principe, à François Hollande. Les divergences sont plus profondes qu'on ne le croit même si Angela Merkel a déclaré que la presse exagérait les divergences entre les deux pays.

Il est évident que les deux approches sont radicalement opposées : la relance, tout le monde est pour. Mais pour l'Allemagne, elle passe par des aménagements structurels qui conduiront à diminuer les charges des entreprises, à travailler plus et pas forcément pour un salaire plus élevé. Pour la France, toujours partisane d'une approche keynésienne voire colbertiste, il faut relancer la croissance par la dépense publique et des emprunts européens, c'est-à-dire par les fameux eurobonds.

Il faudra sur ce point trouver un compromis et le Premier ministre Jean-marc Ayrault a semblé voir une ouverture dans ce qu'a dit la chancelière….

François Hollande conforté par Barack Obama

François Hollande a des raisons d'être satisfait. Sitôt arrivé à Camp David, le président Obama lui a donné raison sur la nécessité de mettre l'accent sur la croissance. François Hollande en a profité pour prendre contact avec les autres dirigeants européens et a annoncé la tenue d'un sommet tripartite Monti-Merkel-Hollande sur ce même thème…

Reste que sur ce point, les choses ne vont pas évoluer d'un seul mouvement et il faudra travailler dur pour arriver à un compromis.

A Paris, François Hollande sait qu'il pourra compter sur une équipe solide. La cellule diplomatique de l'Elysée a été constituée et le conseiller européen ne sera pas sous l'autorité du conseiller diplomatique. Il pourra ainsi traiter directement avec le chef de l'Etat, et les conseillers européens des autres chefs de gouvernement. L'Elysée assure donc sa prééminence en cette matière, par rapport au ministre chargé des affaires européennes. Il reste encore à constituer la cellule européenne du Premier ministre, dont le conseiller sera également le secrétaire général aux affaires européennes.

Le premier essai est réussi donc, mais reste à confirmer. Tous les outils sont désormais en place pour travailler efficacement.


Maître de conférence à l'Institut d'études politiques de paris, vice-président et éditorialiste de fenêtre sur l'Europe.

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