par Bruno Vever, le jeudi 23 mai 2013

Alors que l'air du temps reste dominé par une langueur européenne notoirement critique, François Hollande a créé la surprise en rompant, lors de sa conférence de presse élyséenne du 16 mai, un silence national sur l'Europe qui devenait assourdissant.


En proposant à nos partenaires de l'euro un renforcement de l'union politique avec un gouvernement économique européen doté d'un président désigné pour l'animer il a, comme François Mitterrand il y a trente ans, sifflé la fin d'une exception française des débuts de sa présidence et affiché sa conversion européenne pour les années suivantes. A l'époque, le ralliement mitterrandien à la préservation et la consolidation du système monétaire européen avait ouvert la voie, à travers mille péripéties dont la réunification allemande ne fut pas la moindre, à la mise en place de l'euro, un euro qu'il s'agit à présent d'encadrer dans une ambition renouvelée pour relancer l'Europe. La filiation historique et politique paraît évidente.

On pourra y voir une forme de réponse, certes bien tardive, aux propositions fédéralisantes qui furent avancées par l'Allemagne en 1994 (initiative Schaüble-Lamers) puis en 2000 (initiative Fischer) mais laissées chaque fois sans réponse de notre côté du Rhin. La France finirait-elle par consentir à remettre ses pendules à l'heure du XXIè siècle, sous la pression renforcée d'une situation économique, budgétaire et sociale devenue critique, d'une concurrence mondialisée devenue asphyxiante et de l'absence de toute alternative crédible au renforcement de la construction européenne ?

Plusieurs inflexions de l'attitude française paraissent ici encourageantes : une réconciliation des concepts de relance économique et de rigueur budgétaire, là où on s'épuisait en France comme dans la zone euro à les opposer ; l'acceptation d'un objectif européen d'intégration, là où on s'illusionnait sur la possibilité de viabiliser l'union monétaire sans union économique, ni coordination budgétaire, ni convergence fiscale ; l'appel au renforcement d'une véritable union politique, là où on rejetait par principe toute entorse à une souveraineté nationale devenue pourtant aussi impuissante qu'illusoire.

Pour l'an II de sa présidence, l'appel de François Hollande au mouvement et à l'offensive est ainsi présenté comme allant de pair avec sa volonté de relancer l'Europe. Certes, cette route sera longue et pavée d'épreuves. Elle impliquera d'abord de regagner une crédibilité économique aujourd'hui sérieusement ébréchée auprès de nos principaux partenaires, à commencer par l'Allemagne par delà même l'issue de ses prochaines élections. Reviendra-t-il paradoxalement à un président socialiste, après une première année contestataire et récréative qui n'a fait qu'aggraver plus encore notre situation, d'engager enfin cette adaptation administrative, budgétaire et fiscale si peu assumée par ses prédécesseurs et dont nous devons aujourd'hui supporter l'écrasante facture ?

Une chose est sûre : aucune mutualisation européenne des objectifs économiques et sociaux, et des moyens pour les atteindre, ne sera envisageable sans changement de pied – fut-il plus pratiqué que dit, à l'instar des pratiques mitterrandiennes - de nos dirigeants socialistes et sans révolution copernicienne des mentalités hexagonales qui dominent notre classe politique. Nous en sommes encore très loin : François Hollande en a lui-même fourni les paradoxales illustrations (cf. plaidoyer pour une harmonisation sociale maximaliste, inventaire national des filières prioritaires d'investissement) démontrant par là même combien il sera difficile à un gouvernement économique européen de se doter d'une feuille de route opérationnelle malgré la diversité des situations, des approches et des sensibilités de ses Etats !

Trente ans après le revirement européen de François Mitterrand, bien malin qui serait donc en mesure de prédire si celui de François Hollande pourra être confirmé, s'il pourra être tenu et s'il pourra déboucher sur des avancées comparables à celles qui permirent en leur temps l'union monétaire.

Pour l'heure, un premier pas indispensable était d'acter clairement que la France n'a à craindre de l'Europe que ses propres craintes à son sujet. Ce premier pas vient d'être fait. Il permet déjà de reconsidérer l'Europe depuis Paris comme on aurait toujours du le faire : non pas comme un problème de plus laissé sans solution, mais comme la solution qui nous manque pour faire face efficacement à nos problèmes.

Mais il reste encore à donner à nos partenaires de vrais gages économiques, budgétaires et fiscaux sur la cohérence d'un tel revirement. Bien au-delà de la surprise d'une première ouverture, ce sera évidemment sur ces coups là, et sur l'adresse politique qu'ils supposeront, que va se jouer au cours des prochaines années, en France comme en Europe, la suite de la partie…


Bruno VEVER, secrétaire général d'Europe et Entreprises
http://www.europe-entreprises.com/

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