par Emmanuel Dupuy, le samedi 10 novembre 2007

L'affaire des enfants de l'Arche de Zoé continue de défrayer la chronique et semer le trouble dans l'opinion publique, habituée à plus de professionnalisme quand il s'agit d'action humanitaire. Très mal ficelée, douteuse financièrement et sans réel fondement humanitaire, cette opération arrive aussi au plus mauvais moment, celui de l'arrivée des éléments de la force de stabilisation européenne dans l'est du Tchad, dont un des objectifs est d'ailleurs de permettre aux humanitaires de travailler sans entraves…


Nicolas Sarkozy réussit malgré tout le tour de force de renverser la situation à son profit en ramenant les journalistes français et l'équipage espagnol de l'avion affrété par l'association, au nom étrangement différent de celui sous le couvert duquel était censée se dérouler cette opération. Une telle action tombe à pic. Elle vient calmer les esprits, confirmer le volontarisme diplomatique intuitu personae du chef de l'Etat sur la scène internationale et européenne, tout en confirmant le basculement de la politique étrangère au profit de l'Elysée.

Paradoxe aussi de l'inconséquence avec laquelle les apprentis humanitaires ont pu déjouer tous les rouages administratifs, la France tente de reprendre la main, dans un dossier où elle sait que la fragilité de sa position diplomatique serait une faiblesse que n'hésiterait pas à utiliser Idriss Deby, qui a accepté sur le bout des lèvres une force militaire de 4000 hommes, dont la simple présence signe son incapacité à pacifier la région aux prises avec une rébellion endémique, présente également en République centrafricaine et au Darfour.

Mais au-delà, cette affaire risque de faire une autre victime collatérale : […] la notion de "droit d'ingérence", que le ministre français des Affaires étrangères, face à l'inaction internationale, avait tenté d'imposer au Darfour, avec le projet de "corridors humanitaires", avant d'être très vite appelé à réviser sa copie. Est-ce pour cela qu'il fut très distant sur cette affaire, laissant à Rama Yade le soin de faire, enfin, son baptême du feu médiatique ?

Cette triste affaire laissera bien évidemment encore des traces dans la perception du degré de sincérité de la "réorientation" de la politique française. Dans l'attente du discours que compte prononcer le président de la République en Afrique du Sud au début 2008, pour tenter de faire oublier celui de Dakar de juillet dernier, cet imbroglio humanitaro-diplomatique est hélas une métaphore assez saisissante des ambitions françaises pour le continent africain.

Faut-il ainsi se contenter de pouvoir encore jouer les pompiers de service quand notre diplomatie peut désormais apparaître davantage comme pyromane aux yeux de nombreux Africains et alors que certains humanitaires tirent, à tout le moins, contre leur propre camp ?




Emmanuel DUPUY est président de l'Institut Prospective et Sécurité de l'Europe (IPSE) 
http://www.ipse-eu.org

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