L'avenir de l'Europe est en jeu cette semaine : Le sommet européen aura valeur de test pour la chancelière allemande et présidente en exercice de l'Union Européenne, Angela Merkel et pour le nouveau président français Nicolas Sarkozy.
Les efforts du duo Merkel-Sarkozy
Les 27 doivent, en effet, trouver un accord sur l'idée d'un traité simplifié proposé par la France, en vue de sortir l'Europe de la paralysie. Angela Merkel, depuis sa prise de fonction en janvier dernier, a multiplié les initiatives en tentant de réunir autour de la table, les eurosceptiques, au premier rang desquels, la Pologne, la République Tchèque et le Royaume-Uni ainsi que les plus fervents défenseurs de la Constitution avec l'Espagne en fer de lance. Mais, il reste quelques points sur lesquels les Européens devront faire preuve de consensus s'ils veulent redonner un souffle à l'Union.
"Ce soir, la France est de retour en Europe". Dès le soir de son élection, Nicolas Sarkozy a tenu à réaffirmer l'intention de la France de revenir au premier plan sur la scène européenne.
Depuis sa prise de fonction, il n'a pas ménagé d'efforts pour rencontrer la plupart des dirigeants européens et leur soumettre son idée de traité simplifié.
L'Europe, depuis l'échec des référendums français et néerlandais est entrée dans une crise dont personne ne sait vraiment comment sortir. C'est donc sans grand enthousiasme, mais par souci de relancer la machine communautaire que les partenaires de la France ont accueilli la proposition de Nicolas Sarkozy.
La tâche s'avérait difficile pour le président français car il devait d'un côté faire comprendre aux pays ayant ratifié le traité qu'il leur fallait y renoncer pour renégocier un texte plus minimaliste, et de l'autre faire entendre aux pays les plus eurosceptiques que l'Europe avait toujours fonctionné par voie de consensus, et qu'ils devaient en conséquence abandonner certaines de leurs prérogatives.
Mais, à l'aube du sommet européen, nul ne peut dire si le duo Sarkozy-Merkel saura imposer ses vues aux pays encore réticents.
Les points d'achoppement de ce nouveau traité ?
A ce jour, deux points semblent encore en mesure de faire échouer la relance du processus communautaire; la charte des droits fondamentaux et le système de vote à la double majorité.
La charte des droits fondamentaux est un texte établi par une convention qui affirme un certain nombre de valeurs et de principes moraux, qui doivent s'appliquer à tous les pays européens, parmi lesquels la liberté, l'égalité, la solidarité ou encore la justice. Adoptée en 2000 au sommet européen de Nice, il avait été décidé de lui donner un statut juridique lors de la convention chargée de rédiger le projet de traité constitutionnel.
Or, la constitution n'ayant pas été ratifiée, la question est toujours en suspens et semble ne pas convenir aux britanniques, qui depuis l'origine ont toujours regardé de l'autre côté de l'Atlantique plutôt que d'uvrer à la formation d'une Europe forte, souhaitant préserver "des nations fortes, pas un super Etat", selon Margaret Beckett, ministre des affaires étrangères de la Grande-Bretagne.
La charte des droits fondamentaux, si elle était avalisée, aurait pour conséquence d'affirmer la supériorité de ces droits à l'égard des ceux existants au sein des nations respectives.
Ce qui constituait une grande avancée de la constitution européenne, notamment en direction de pays dans lesquels les droits sociaux sont peu établis, et ce qui constituait un message fort aux pays candidats à l'entrée dans l'UE comme la Turquie serait en passe d'être remis en cause. Définitivement ? Nul ne le sait, mais Gordon Brown, successeur de Tony Blair, y est également plutôt hostile.
Autre sujet de discorde, le système de vote à la double majorité ;
Varsovie souhaite remplacer le système de double majorité prévu dans le nouveau texte - la majorité qualifiée est atteinte lorsque 55% des Etats membres représentant au moins 65% de la population de l'UE venant d'au moins 15 Etats membres y adhèrent - par une autre méthode basée sur la racine carrée arrondie de la population de chaque pays. Pour l'instant, seule la République Tchèque a exprimé son soutien à ce système.
Issu du Traité de Nice, le système de la double majorité profite principalement aux « grands pays » comme la France ou l'Allemagne.
La Pologne souhaite compter demain parmi les grandes nations européennes, et pour cela brandit la menace du veto, si elle n'obtient pas une réforme du système de vote.
Toutefois, hier le président polonais Jaroslaw Kaczynski a déclaré "nous nous rendons compte que nous ne pouvons pas enrayer le processus (de réforme), cela serait trop risqué pour l'avenir", dit Kaczynski dans un entretien accordé à Reuters. "Nous voulons juste que ce soit fait de la meilleure façon possible pour l'UE et la Pologne", a-t-il ajouté.
Il semblerait donc que la Pologne consente finalement à voter le texte.
Si les Polonais semblent céder sur le vote à la double majorité, on imagine qu'ils ont dû obtenir de Bruxelles certaines garanties qui leur permettraient de figurer au premier rang des nations européennes.
Quant à Tony Blair, il va sans doute faire valoir jusqu'au dernier moment les intérêts du Royaume-Uni, pour ce qui sera son dernier conseil européen en tant que Premier Ministre.
Mais au bout du compte, si les 27 parviennent à un accord à l'issue du sommet, pourra t-on considérer l'Europe comme victorieuse ? Il était un temps où la construction européenne se faisait avec des dirigeants qui avaient pour ambition de rechercher leur intérêt commun. Aujourd'hui, pour sortir d'une crise profonde, on courtise les plus réfractaires à l'idée européenne ainsi qu'à ses valeurs.
Espérons que l'élan européen ne s'est pas arrêté le 29 mai 2005