L'une des initiatives européennes les plus spectaculaires est sans conteste le lancement d'un "Paquet Énergie/Climat"
Cette expression ésotérique renvoie à un ensemble de propositions législatives destiné à lutter contre le réchauffement climatique et à réduire la dépendance de l'Europe vis à vis des sources d'approvisionnement énergétiques extérieures.
Ces législations fixent trois objectifs - les « Trois x Vingt » - à atteindre en 2020, à savoir :
Baisse de 20% des émissions de gaz carbone ;
Hausse de 20% de la part des énergies renouvelables ;
Hausse de 20% de l'efficacité énergétique
Editorial de Noëlle Lenoir paru le 12 novembre 2008 sur le site du Cercle des européens :
http://www.ceuropeens.org
Une politique européenne volontariste
L'engagement des Européens à rendre la planète plus propre pour éviter le pire et à libérer les citoyens européens du joug des producteurs de pétrole et de gaz en Russie et au Moyen-Orient, est méritoire. D'une part, en effet, ce volontarisme ne se fonde sur aucune disposition des traités européens. L'énergie n'y figure pas parmi les compétences de la Communauté européenne. Il faudra attendre la ratification du traité de Lisbonne pour voir pour la première fois évoquer une politique énergétique européenne. D'autre part, les Européens ont ratifié le fameux Protocole de Kyoto sans se préoccuper du refus de le ratifier des Etats-Unis et de la Chine, pourtant les deux principaux émetteurs de gaz à effet de serre de la planète.
La ratification du Protocole de Kyoto a été suivie d'actions concrètes, dont certaines ont même été mises en uvre en avant-première avant le début d'application du Protocole(2008-1012). Nombre d'industries ont été obligées de réduire leurs émissions de CO2, sous la haute surveillance des Etats membres et de la Commission européenne. Dans le domaine de l'industrie automobile, les Français et les Allemands sont parvenus à un compromis repris par leurs partenaires européens, qui permet aux véhicules allemands, plus lourds et donc plus polluants que les voitures françaises, de bénéficier de mesures plus progressives.
Un Paquet Energie/Climat ambitieux (pour 2013/2020)
Last but not least : l'un des volets les plus importants du Paquet Energie/Climat proposé par la Commission européenne en janvier 2008, concerne l'amélioration du marché des certificats carbone permettant aux entreprises de s'acquitter de leurs obligations de réduction des émissions de carbone en achetant des droits sur ce marché. Le marché à court terme est co-organisé par la Caisse des Dépôts et Euronext (il s'appelle Bluenext) et le marché à plus long terme (des produits dits "futures") fonctionne lui à Londres (sous le nom d'EXC) Deux améliorations principales sont envisagées. D'abord, le système de quotas sera étendu à de nouveaux secteurs, notamment l'aviation et le secteur de l'ammoniaque et de l'aluminium, ainsi qu'à de nouveaux gaz (oxyde d'azote et perfuorocarbone), la Commission se bornant à fixer des objectifs sans obligations dans les secteurs des transports maritimes et routiers, la construction, l'agriculture et les déchets.
Le marché carbone se fondera ensuite sur un système d'enchères. A l'heure actuelle, 90% des quotas d'émissions sont accordés gratuitement aux installations industrielles. La vente aux enchères doit devenir prédominante, les dirigeants européens espérant inciter les entreprises à acheter des crédits carbone plutôt que d'encourir de fortes amendes.
Les états d'âme des gouvernements européens confrontés à la crise économique
Les Européens vont-ils limiter l'ambition de ce plan ? La question est posée par certains Etats, expressément par la Pologne et la Lituanie et de façon implicite par la plupart des autres États. Les entreprises font valoir la nécessité de reporter aux beaux jours du retour de la croissance une réglementation qui, selon elles, les fragiliserait face à des concurrents qui n'ont pas les mêmes contraintes.
La Commission "Environnement" du Parlement européen, saisie du dossier, semble ne pas voir cela d'un même il. Non contente de statuer sur son rapport en décembre, elle vient de décider d'en avancer l'examen. Car l'enjeu est très lié en effet au calendrier. Le retarder voudrait dire risquer de remettre ces discussions et l'adoption du Paquet Énergie Climat en 2010 après les élections européennes de juin 2009 et le renouvellement de la Commission ensuite.
La nouvelle politique américaine en matière d'énergie et de climat
Il y a fort à parier que sous la présidence de Barack Obama, les Etats-Unis s'investiront dans ces deux domaines. Le nouveau Président américain l'a annoncé durant la campagne électorale et il est vraisemblable qu'Al Gore, prix Nobel de la Paix au titre de son engagement dans l'écologie, aura un rôle à jouer dans l'administration américaine.
Avant de renoncer aux objectifs du Paquet Énergie Climat, les Européens feraient bien de mesurer les conséquences d'un tel renoncement. Ne serait-ce pas laisser la politesse aux Etats-Unis qui ne manqueraient pas d'être rapidement leader et d'imposer leurs normes et leurs technologies au reste du monde ? D'après la presse de Londres, Gordon Brown, Premier ministre britannique, et son ministre du Commerce, Peter Mandelson l'ont compris. C'est ce que devrait comprendre tous les Européens et qui devraient les encourager à ne pas remiser dans un placard le Paquet Energie Climat !
Noëlle Lenoir, est ancienne ministre déléguées aux Affaires européennes. Elle est présidente de l'Institut d'Europe d'HEC et du Cercle des Européens
http://www.hec.fr/institut-europe
http://www.ceuropeens.org