par Michel Clamen, le vendredi 28 mars 2008

La présidence de la France sera un succès et marquera son "retour en Europe" dans la mesure où elle saura assurer cette mission de conciliation : plutôt que décider, animer les débats et ménager les compromis. Les dossiers qu'elle présente auront d'autant plus de chances de connaître des avancées significatives qu'ils auront été préparés de longue date, en se méfiant des improvisations.


La présidence que notre pays va assurer à partir de juillet sera pour elle la dernière de ce type. Apres 2009, les modalités, révisées, mettront en place des équipes plus pérennes. On sait combien cette évolution était nécessaire, la formule actuelle, qui date des années 50, est de moins en moins adaptée au fonctionnement à 27.

Pour la plupart des observateurs, ce semestre de 2008 marquera "le retour de la France en Europe". Encore faut-il s'entendre sur le sens de cette formule. Si elle signifie que la période va permettre à notre pays de retrouver un rôle actif, c'est certain ; et on ne peut que se réjouir de voir se restaurer une présence diminuée depuis l'échec du référendum de 2005. Mais si on voulait dire que ce "retour" sera pour la France l'occasion d'imposer ses vues, on se tromperait sur la nature même de la fonction présidentielle en Europe.

Le pays-membre qui préside le Conseil est au service de l'Union, et non l'inverse. Sa mission est avant tout de conciliation. On attend de lui qu'il parvienne à dégager une position commune autour des projets élaborés par la Commission, en obtenant des autres pays-membres, conservateurs dès que leurs intérêts sont en jeu, qu'ils fassent un pas vers une position commune.

Ainsi, aux yeux de tous, la "bonne présidence" est celle qui sait faire déboucher, sous forme de compromis, les dossiers les plus importants, souvent en gestation depuis longtemps. Il convient donc de démentir la chimère, issue de la conception hexagonale, selon laquelle la Présidence détiendrait tout le pouvoir. Non, elle ne peut pas tout et, à vrai dire, ses attributions se limitent à deux rôles, certes importants : définir l'agenda (au double sens du terme: calendrier mais aussi liste des thèmes de travail.) et assurer le bon déroulement des échanges. Bref, en France, la présidence décide; à Bruxelles, elle anime les débats.

Présider dans ces conditions, et pour une durée très brève – 6 mois en théorie, à peine plus de 4 si on tient compte des vacances – mérite une préparation longue et minutieuse, qui s'accommode mal des improvisations.

Parmi les priorités évoquées par notre pays en vue de sa présidence, certains thèmes ont été longuement pensés. L'Administration a mis dès 2007 ses forces au travail (notamment le SGAE ) et les axes qui en ont résulté ont assez mûri, y compris par des contacts avec les groupes d'intérêt de la société civile : ce sont des périodes où le lobbying, au bon sens du terme, joue à plein. Croissance et emploi, protection du citoyen, Europe du futur, place de l'entreprise européenne face à la mondialisation, autant de domaines où on peut espérer des avancées significatives.

Il est permis d'être plus sceptique quant à d'autre thèmes, surgis ça et là de façon plus spontanée, car l'improvisation n'est pas une garantie d'efficacité. Un bon exemple en est fourni par l'essai de relance d'une action vers la Méditerranée. Parti d'une affirmation unilatérale, le projet français a été, faute de dialogue préalable, mal compris par nos partenaires. Depuis, le dossier a évolué plus favorablement grâce aux explications complémentaires. Les ajustements de langage ont atténué les difficultés, mais au prix d'un certain affadissement : on constate aujourd'hui que la vaste ambition géopolitique de départ se ramène maintenant à une réédition à peine augmentée du processus de Barcelone, qui remonte à 1995.

Ce cas, qui n'est pas isolé, montre le professionnalisme indispensable : pour que l'Europe sorte de sa crise de langueur, c'est une succession d'actes de volonté qui est attendue au deuxième semestre 2008. Mais les intentions qui manifestent une détermination politique ne peuvent s'affranchir de dispositions plus techniques.

Le plus roboratif reste la volonté de la Présidence française de débloquer un système pétrifié. Y parviendra-t-elle ?





Michel Clamen est Professeur à l'Institut catholique de Paris

http://www.icp.fr

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