par Hélène Zwick, le mercredi 13 février 2008

Le 23 octobre 2007, la Commission a adopté deux propositions destinées à favoriser et renforcer les conditions d'entrée et de séjour des migrants qualifiés ressortissants d'un pays tiers. La lutte pour les talents est mondiale et la Commission reconnaît l'enjeu crucial que constitue la capacité à attirer et à fidéliser les travailleurs du monde les plus qualifiés. La compétition est d'autant plus rude que les Etats-membres eux-mêmes sont concurrents. L'Allemagne et l'Autriche ont d'ailleurs manifesté leur mécontentement suite à l'adoption de la Blue Card, par crainte d'un empiètement des réglementations européennes sur les politiques nationales du marché du travail. Ce manque d'unanimité pourrait amputer le potentiel de la Blue Card.


La Blue Card s'inspire des principes de la Green Card américaine et transcende les dispositions nationales relatives à des catégories de talents (artistes, chercheurs). Cependant, son attribution reste soumise à des conditions strictes (diplôme reconnu, trois ans d'expérience professionnelle).

Ces mesures s'inscrivent dans une perspective plus large que la simple gestion des flux de travailleurs qualifiés et ne représentent pas, d'après moi, une initiative "fragmentée", comme l'a écrit Manuela Lusetich de Solidar, dans Interface n°31. Elle est une étape dans le processus d'élaboration d'une
politique d'immigration européenne.

L'ensemble des aspects migratoires sera abordé par la Commission et finalisé par l'adoption d'une directive-cadre générale, destinée à garantir des droits aux ressortissants de pays tiers, non résidents permanents (reconnaissance des compétences) et de quatre directives-cadres relatives aux conditions d'entrée et de séjour :

- des travailleurs hautement qualifiés (dispositions du 24/10/2007) ;
- des travailleurs saisonniers dans le tourisme, l'agriculture et le bâtiment (débat courant 2008) ;
- des personnes transférées au sein de leur entreprise ;
- des stagiaires rémunérés.

L'UE compense le déficit du solde migratoire des qualifiés vis-à-vis des pays d'immigration traditionnels (Canada, Etats-Unis, Australie) par des flux d'entrée massifs de qualifiés issus de PVD, notamment d'Afrique. Or le continent africain, maillon faible de la mondialisation, souffre du départ
de ses travailleurs les plus qualifiés (brain drain). L'U.E. en est consciente : ainsi la Blue Card s'accompagne-t-elle de normes de recrutement éthiques, participant à l'élaboration d'une forme partielle de codéveloppement, qu'il reste encore à construire. De même, la mobilisation de la politique de l'éducation est à l'ordre du jour, tant pour favoriser la reconnaissance des qualifications, que pour éventuellement subsidier l'éducation dans des PVD.

Au final, la Blue Card est un maillon essentiel crédibilisant une politique européenne d'immigration des élites, encore faut-il que les perspectives de carrière soient suffisamment intéressantes. L'analyse d'impact nous permettra d'en juger.


Hélène Zwick est doctorante à Confrontations Europe.

http://www.confrontations.org

Article paru dans Interface n°33 de décembre 2007

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