par Bruno Vever, le mercredi 30 janvier 2008

Après l'éprouvant échec du référendum de 2005, la France était parvenue l'an dernier, à l'initiative du président Sarkozy nouvellement élu, à trouver une issue permettant, avec l'appui efficace des présidences allemande puis portugaise, d'adopter le 13 décembre le traité de Lisbonne.


Pour 2008, il s'agit de confirmer ce retour européen de la France, à commencer par la ratification du nouveau traité. Plus question de se distinguer par une exception hexagonale. Le parlement français est donc mobilisé pour bien commencer l'année, en assurant cette ratification sans accroc et sans délai, avant la campagne des municipales. Nous devons bien cette exemplarité à nos partenaires européens, à commencer par les dix-huit qui auront ratifié pour rien le défunt traité constitutionnel.

En juillet 2008, la France prendra à son tour la présidence du Conseil de l'Union, succédant à la Slovénie qui l'assume depuis le début de l'année. Ce sera la dernière présidence européenne à l'ancienne, entièrement confiée à un Etat membre. En effet, à dater de 2009, la présidence des réunions les plus importantes du Conseil, notamment celle du Conseil européen, reviendra, conformément au traité de Lisbonne, à une personnalité durablement élue, même si un dispositif tournant entre Etats membres continuera de gérer la présidence des réunions habituelles.

Que faut-il attendre de cette prochaine présidence ? Plusieurs priorités ont été récemment soulignées par Nicolas Sarkozy, qui a cité l'immigration, la sécurité et la défense, l'énergie, l'environnement. Elles s'ajoutent à d'autres déjà mises en avant par la France au cours des derniers mois, telle la mise en place d'une "Union méditerranéenne" ou une gouvernance plus politique de l'euro. Sans oublier d'autres préoccupations françaises également connues, comme traditionnellement la préservation des moyens de la politique agricole commune, ou récemment la controverse rallumée – au mécontentement de nos partenaires et du commissaire Barrot lui-même - sur les quotas de pêche.

A l'approche de la présidence française, plusieurs mises en garde commencent à se faire jour. Les vieux routiers de l'Europe rappellent que la présidence de l'Union n'est pas le meilleur moment pour faire aboutir ses propres priorités. Ce serait plutôt le contraire. Une présidence tournante du Conseil, au cours de sa brève période de six mois, ne peut réussir qu'en partenariat avec les présidences précédente et suivante, en bonne coopération avec une Commission aussi pérenne qu'incontournable, et en ouverture permanente avec tous les autres Etats membres, quelle que soit leur "taille". On ne peut avancer utilement et obtenir un bon bilan de présidence qu'en jouant pleinement ce jeu communautaire très interactif et très partenarial, forcément différent des règles de gouvernance qui ont cours à l'échelle de l'hexagone.

Pour sa part, le MEDEF ne s'y est pas trompé en organisant le 8 février son assemblée générale à Bruxelles, au siège du Parlement européen, et en orientant la réflexion des entrepreneurs français autour du benchmarking européen, c'est à dire la confrontation économique et sociale des idées, des pratiques et des résultats.

De son côté le secrétaire d'Etat aux affaires européennes Jean-Pierre Jouyet, insistant sur l'exigence spécifiquement européenne de cette prochaine présidence française, a bien souligné la nécessité de renforcer le dialogue en amont avec nos partenaires européens que nous avons trop tendance à négliger. Ainsi le projet très élyséen d'Union méditerranéenne, dont le conseiller spécial Henri Guaino est le principal inspirateur, reste mal compris et mal reçu outre-Rhin : on redoute un brouillage avec l'identité et la cohésion déjà difficiles de l'Union européenne, et on préfère s'en tenir au processus euro-méditerranéen de Barcelone déjà engagé depuis plus de dix ans. En ce domaine comme dans d'autres, Paris va devoir réexaminer à l'aune d'une concertation européenne plus effective la pertinence politique et pratique de ses projets, et au besoin les amender en conséquence. Nicolas Sarkozy a d'ailleurs lui-même annoncé sa visite ou celle de François Fillon à tous nos partenaires européens avant juillet.

On ne saurait non plus négliger le dialogue européen avec les associations et les citoyens, à commencer par celui dans l'hexagone, que le gouvernement entend promouvoir en liaison avec la présidence française, et qui prendra toute sa dimension en 2009 avec l'élection du Parlement européen. Ainsi, la ratification parlementaire accélérée du traité de Lisbonne ne signifie aucunement l'enterrement du débat public français sur l'Europe. Au contraire, celui-ci ne devrait pas cesser de monter en puissance jusqu'à l'année prochaine. Ce n'est pas seulement la France qui va retrouver l'Europe. Les Français aussi vont à nouveau être appelés à s'exprimer comme Européens. Après tant de malentendus et face à tant d'enjeux, qui s'en plaindrait ?


Bruno Vever est consultant en affaires européennes et secrétaire général d'Europe et Entreprises.

http://www.europe-entreprises.com

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