par Olivier Lacoste, le mercredi 25 novembre 2009

Le 3 novembre 2009 marquait la fin d'une crise et reconnaissait, implicitement, la poursuite d'une autre. Ce jour-là, le président tchèque Vaclav Klaus signait le traité de Lisbonne et la Commission publiait ses prévisions économiques d'automne pour 2009-2011.


Crise institutionnelle : un président en catimini


La fin de la crise institutionnelle n'a pas été fêtée avec l'éclat qu'aurait justifié le fait de se sortir d'une longue incertitude. En effet, les citoyens auraient presque pu ne pas s'apercevoir que le Conseil européen (CE) a approuvé, le 19 novembre, la proposition de la présidence suédoise de faire d'Herman Van Rompuy (jusqu'alors Premier ministre belge) le président du CE (article 15 du traité sur l'Union européenne) et de Catherine Ashton (actuelle commissaire au Commerce) le haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (article 18). Certes, à ce jour, le président du CE n'est pas encore "élu" et le haut représentant n'est pas encore "nommé", puisque le traité de Lisbonne entre en vigueur le 1er décembre. Le fait que qu'ils ne soient pas encore officiellement entrés en fonction n'explique pas que 19 novembre ait presque été un non-événement pour les citoyens.

Si la fête a été un peu gâchée, c'est que le choix du CE n'a été l'objet d'aucun débat public sur l'avenir de l'Union. Les deux postes, qui avaient été présentés de longue date comme les symboles de la visibilité de l'Europe, ont été pourvus aux termes de tractations entre les capitales. Ce mode opératoire a conduit l'eurodéputé Daniel Cohn-Bendit à qualifier (dans le quotidien Libération du 18 novembre) la désignation du président du CE comme une " caricature de démocratie". Une occasion loupée de fédérer autour de l'idée européenne. Regardons néanmoins vers l'avenir et souhaitons bonne chance à ces deux personnalités.


Crise économique : une sortie incertaine


A première vue, les prévisions de la Commission apportent de l'optimisme, puisqu'elles prévoient que le PIB de l'Union, après avoir décru de 4,1 % en 2009, progressera de ¾ % en 2010 et d'environ 1½ % en 2011. A y regarder de plus près, la Commission semble plus inquiète pour le moyen terme. Pour elle, le financement coûtera plus cher qu'avant la crise, de nombreux agents vont continuer à se désendetter, l'impact de la crise sur l'emploi et les finances publiques n'a pas encore fait sentir tous ses effets et l'environnement international va se modifier. De là à penser que la croissance européenne de long terme, qui se situait à environ 2,25 % l'an, a descendu une marche d'escalier, pour se situer à 1,5 % l'an, il n'y a qu'un pas. Si tel était le cas, les perspectives de l'emploi seraient durablement dégradées.

Que faire pour soutenir la croissance potentielle ? La révision prochaine de la "stratégie de Lisbonne" doit s'atteler à une réflexion sur des questions de fond. Quelles politiques mener au niveau communautaire ? Comment mettre sur pied une véritable politique industrielle ? Pour faire avancer le débat, Confrontations a organisé le 18 novembre une réunion avec des eurodéputés, des représentants des capitales, de la Commission et des partenaires sociaux, ainsi que des économistes.


Un des axes pour sortir de la crise : approfondir le marché intérieur


Dans ce contexte d'interrogations sur le potentiel de croissance en Europe, la réflexion sur le marché unique revient en force. Le Président Barroso, dans ses "lignes directrices" du 3 septembre, y voyait "un roc sur lequel est bâtie la croissance européenne". Le 20 octobre, il chargeait Mario Monti, ancien Commissaire, de rédiger un rapport sur les moyens de relancer le marché intérieur. Ce travail est nécessaire ; il gagnera en intensité lors des échanges la stratégie de Lisbonne. Un marché en effet ne se construit pas tout seul : une pure logique de libéralisation n'est pas efficace.

Approfondir le marché intérieur, ce n'est pas seulement s'en remettre aux quatre libertés de circulation (biens, services, capitaux, personnes) et au principe de "reconnaissance mutuelle". Cela suppose de recourir, si nécessaire, à l'harmonisation des législations, c'est-à-dire de construire des normes juridiques communes. Cette harmonisation doit concerner un champ large, par exemple la protection des consommateurs (qui continuera à acheter un bien par Internet dans un autre Etat membre s'il se fait piéger par le vendeur ?) ou encore le droit et la fiscalité des sociétés.

Mais le marché intérieur ne se construit pas seulement par le droit. Pour fonctionner, il a besoin de s'appuyer sur des "biens publics", de la même façon que la nef d'une cathédrale gothique s'appuie sur des arcs-boutants. Il faut investir dans des infrastructures (de transports, d'énergie…). Il faut forcer l'intégration de certains secteurs (télécommunications, énergie) en allant - pourquoi pas ? - vers des agences de régulation au niveau européen. Il faut aussi une gestion européenne de certains biens communs. A cet égard, la proposition de la Commission concernant le "dividende numérique" a le mérite d'alimenter concrètement le débat sur le marché intérieur.


Les investissements humains et la finance de long terme au cœur des Entretiens Economiques Européens


C'est aussi avec le souci de dessiner concrètement des stratégies de sortie de crise que Confrontations organise, les 10 et 11 décembre prochains, les Entretiens Economiques Européens avec, au programme, la formation, l'emploi et la finance de long terme. Avec quel cadre anticiper et gérer les restructurations industrielles ? Comment préparer la formation à de nouveaux métiers ? Comment financer les investissements de long terme dans un contexte contraint ? Quelles responsabilités et quelles collaborations des acteurs privés et publics ? Pour en savoir plus, rendez-vous sur notre site !

Paru dans Interfaces du mois de novemnre de Confrontations Europe


http://www.confrontations.org



Olivier Lacoste est directeur des études à Confrontations Europe

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